A l’initiative et en partenariat avec le Club Africa Forex 55, le Cercle Richelieu Senghor a organisé le 1er février 2022 une visioconférence sur le thème « Soutenir l’investissement responsable en Afrique francophone ». La modération en a été assurée par Lina Vissandjee, attachée à la Délégation du Québec aux Affaires francophones et multilatérales.
Alban Bogeat, président du Cercle Richelieu Senghor a rappelé ses priorités : refléter la francophonie des 5 continents, et mettre l’accent sur sa dimension économique ; il a souligné sa volonté de favoriser le dialogue des cultures en mettant en réseau les recherches et expériences.
Sèdjro Landry Katary fondateur du Club Africa Forex 55 a présenté celui-ci et défini son rôle comme canal entre les diasporas africaines, et espace de partage d’expériences face aux projets de retour au pays.
Les représentants de deux organisations internationales ont dressé le cadre en fonction de données stratégiques et statistiques :
Bakary Traoré, économiste principal du Centre de Développement de l’OCDE, pour le Bureau Afrique et Moyen Orient, a exposé les défis des investissements directs étrangers en Afrique, leurs évolutions et tendances depuis la pandémie du COVID-19. Il a insisté sur la nécessaire adaptation aux écosystèmes et aux besoins locaux, le rôle du numérique, la préparation avec des partenaires publics et privés, l’investissement dans le capital humain : autonomisation des jeunes et des femmes par exemple.
Henri Monceau, Directeur de la Francophonie économique et numérique à l’OIF, a rappelé la 3ème place de la langue française dans les échanges internationaux. Il a exposé ensuite le rôle de l’OIF, en liaison avec les gouvernements et banques de développement, qui offre la co-construction de nouvelles opportunités, soutient le travail de normalisation, le droit des affaires en français, et, à compter de mars 2022, organisera des missions économiques et commerciales multilatérales.
Les expériences de terrain ont été exposées par :
Laurence Keke, Directrice Minigrids Bénin, Directrice générale AT Engie PowerCorner, a présenté sa démarche sur l’accès à l’énergie dans les zones avec déficits d’électricité ;
Romaric Atoke, architecte installé au Bénin, travaille sur des enjeux de durabilité face à l’impact du changement climatique ;
Edem d’Almeida, PDG d’Africa Global Recycling AGR Togo, structure de valorisation de déchets créée en 2017 ;
Aurèle Houngbedji, expert en gestion de capital et des risques financiers liés au changement climatique ;
David Munnich, Directeur Exécutif d’I&P Accélération et I&P Développement, structure de financement et d’accompagnement des PME et entrepreneurs africains.
A l’issue de ces interventions, des lignes de convergence sont apparues :
Tendance à une meilleure adaptation des projets et solutions au contexte des pays concernés, inflexion vers la mise à profit du marché intérieur pour tirer parti d’un PIB croissant ;
Impact du Covid : projets retardés, ralentissement dans l’acheminement des matériaux, or les besoins en Afrique sont énormes en infrastructure, routes, ponts… La reprise post-Covid est la plus visible dans la fabrication de produits manufacturés, la construction, le recyclage ;
Nécessité de mieux définir et cadrer les investissements dits responsables : à qui revient cette charge ? Il s’agit selon les intervenants d’une responsabilité à plusieurs niveaux (secteur privé, gouvernements, organisations régionales et internationales), qui peut être renforcée par les Etats partenaires de l’espace francophone et les diasporas. Enfin rôle des membres de la diaspora de retour au pays : les cinq intervenants ont fait part de leur témoignage et de leur vécu : en rentrant au pays, ils apportent un savoir-faire, une expérience, des financements, un réseau. Mais cela comporte aussi des défis : il est nécessaire de faire preuve d’humilité, d’adaptabilité, d’avoir un business plan, un plan B au cas où le A ne marche pas… et de la patience devant les frustrations car les rythmes et contraintes sont différents.
Introduction d’Alban Bogeat :
« Bonsoir à toutes et à tous.
Merci d’être avec nous pour cette visioconférence fruit d’un partenariat entre le Club Africa Forex 55 et le Cercle Richelieu Senghor.
Je voudrais présenter très brièvement le Cercle Richelieu Senghor :
Lieu d’échange et de réflexion sur la francophonie et le dialogue des cultures, le Cercle organise un dîner-débat mensuel au Sénat, à Paris, et décerne chaque année le prix Richelieu Senghor.
Le Cercle a été créé en 1971 (il y a 50 ans) ; il est issu des clubs Richelieu du Canada (à vocation caritative) et a reçu en 1984 le parrainage de Léopold Sédar Senghor. D’où le nom de Cercle Richelieu Senghor !
(rappel : le 9 novembre dernier nous avons organisé une soirée d’hommage à Senghor, à l’occasion du 20ème anniversaire de sa disparition)
Le Cercle se compose de membres individuels et de membres institutionnels parmi lesquels la Délégation du Québec, la Délégation de Wallonie-Bruxelles, TV5 Monde, L’Université de Lyon3, ou encore l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
Le Cercle est accrédité auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie en tant qu’ONG partenaire.
Depuis 4 ans que je préside le Cercle, je me suis fixé comme objectif de refléter à travers nos activités la francophonie des cinq continents et de mettre en lumière ses enjeux, tout particulièrement sa dimension économique. Car je crois que l’avenir de la francophonie se joue aussi sur le terrain de l’économie.
Je m’efforce de démarrer chaque année avec une soirée consacrée à l’Afrique. C’est ainsi que nous avons accueilli en 2019 M. Nicolas Normand, ambassadeur spécialiste des questions africaines ou encore Mme Calixthe Beyala, écrivaine camerounaise en 2020.
Et ce soir, en coopération avec Africa Forex 55, nous ouvrons notre programme 2022 avec cette conférence dédiée à l’investissement responsable en Afrique. Un thème particulièrement porteur, puisqu’il permet d’aborder plusieurs grands défis du moment :
- préservation de la planète,
- création d’emplois notamment pour les jeunes
- et promotion de l’égalité des chances Femmes / hommes
Et je suis ravi que 2 organisations internationales nous apportent ce soir leur point de vue : l’OIF représentée par M. Henri Monceau, Directeur de la Francophonie économique et numérique et l’OCDE, par M. Bakary TRAORÉ, économiste
Je vais maintenant rendre la parole à notre modératrice, Lina Vissandjee (Délégation du Québec), que je remercie chaleureusement d’avoir accepté ce rôle. »
Compte-rendu :
Introduction :
Cette première rencontre de l’année organisée par le Cercle Richelieu Senghor, traditionnellement orientée vers l’Afrique, s’est déroulée, par visioconférence, le mardi 1er février en partenariat avec le club Africa Forex 55. Le thème des échanges, Soutenir l’investissement responsable en Afrique francophone a permis le partage d’idées et d’expériences variées et inspirantes.
Le président Alban Bogeat pour le Cercle Richelieu Senghor et Sèdjro Landry KATARY, premier ambassadeur et fondateur du club Africa Forex 55, présentent cette thématique.
Alban BOGEAT présente le Cercle Richelieu Senghor et le thème de la conférence. Ce thème particulièrement porteur permet d’aborder plusieurs grands défis tels que la préservation de la planète, la création d’emplois, notamment pour les jeunes, la promotion de l’égalité des chances.
Alban BOGEAT salue également la présence de deux organisations internationales apportant leur point de vue dans cet échange : l’OIF représentée par Monsieur Henri MONCEAU Directeur de la Francophonie économique et numérique, et l’OCDE représentée par Monsieur Bakary TRAORE, économiste, Lina VISSANDJEE, Attachée à la Délégation du Québec ayant accepté d’être modératrice.
Sèdjro Landry KATARY, pour introduire cette réunion autour de thèmes très sensibles comme les énergies solaires, l’eau potable, la recherche de partenaires investisseurs en Afrique, cite Henri Ford « se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite ». Sèdjro Landry KATARY décline ensuite le choix du nom du club Africa Forex 55 qu’il a fondé : « Africa » rend hommage à son continent de naissance, « Forex » représente la thématique financière, le dynamisme économique et « 55 » pour 55 pays africains. Il précise que Africa Forex 55 se veut un canal entre les diasporas africaines et invite toute personne qui aimerait rentrer en Afrique pour des opportunités de travail ou de développement, de se joindre à Africa Forex 55.
Les deux intervenants d’organisations internationales présentent cette thématique choisie dans ses enjeux publics et privés, au service des objectifs du développement durable.
Bakary TRAORE, économiste principal du Centre de Développement de l’OCDE, pour le Bureau Afrique et Moyen Orient, expose les défis des investissements directs étrangers en Afrique, leurs évolutions et tendances depuis la pandémie du COVID-19.
Bakary TRAORE insiste tout particulièrement sur l’importance des espaces de dialogue avec les décideurs politiques, les manières permettant d’améliorer les programmes tels que l’emploi, l’égalité, les stratégies inclusives, les politiques de développement durable, le numérique. Bakary TRAORE rappelle que la demande intérieure, dans les pays, est importante et note un changement de dynamique et des demandes plus tournées vers l’adaptation aux besoins locaux, le numérique soutenant l’ensemble.
Bakary TRAORE précise que les projets doivent être construits avec des partenaires publics et privés, être mieux préparés, accorder une plus grande place aux échanges d’informations, diminuant ainsi les risques, augmentant les opportunités, créant de l’émulation.
Il ajoute que l’investissement dans le capital humain est une priorité : autonomisation des jeunes et des femmes par exemple.
Il termine avec une mention sur la culture en précisant que les projets culturels (comme le cinéma par exemple) n’apparaissent pas en tant que tels mais sont inclus dans le cadre du numérique.
Henri MONCEAU, Directeur de la Francophonie économique et numérique pour l’OIF commence par rappeler l’importance de la langue française dans les échanges, 3e langue des affaires et 4e sur internet. Cette présence linguistique apporte solidarité, résistance, stabilité dans un paysage changeant, la langue demeurant fondamentale en cela.
Dans ses initiatives et renforcements des actions sur le terrain, l’OIF offre la co-construction de nouvelles opportunités, soutient le travail de normalisation, le droit des affaires en français, les missions économiques et commerciales.
Les demandes adressées à l’OIF viennent en grande partie des gouvernements. Les banques de développement autour d’initiatives comme les accords de coopération sur le coton, le café, font appel à l’OIF.
Henri MONCEAU conclue sur les priorités que sont la carte de l’inclusivité et l’importance de la langue, dans un monde en mutation, un environnement changeant, aux valeurs questionnées suite aux crises comme celle de la Covid 19.
Tour à tour, Romaric ATOKE, Aurèle HOUNGBEDJI, Laurence KEKE, Edem D’ALMEIDA David MUNNICH présentent leurs expériences sur le développement d’infrastructures responsables comme les énergies (électrification, accès à l’eau potable en milieu rural), moteurs de ce développement et d’un bien-être social.
Romaric ATOKE, architecte installé au Bénin, travaille sur des enjeux de durabilité face à l’impact du changement climatique, de la nécessité d’accompagner les municipalités, le privé.
Il défend des postures fondamentales telles que l’importance de penser les villes africaines dans leurs contextes locaux et non en « copiés/collés » des villes occidentales. Avoir un toit, déjà s’abriter, sont des priorités.
Cette démarche de l’architecture, que ce soit pour des projets « micros » comme le mobilier ou des projets « macros » doit inclure le développement durable avec l’utilisation de matériaux locaux, comme les briques en parpaing de terre, utiliser la morphologie des lieux et adapter la construction en fonction par exemple du vent dominant, de l’éclairage naturel, permettant de réduire la consommation d’énergie. L’assainissement, le recyclage de l’eau, la récupération des eaux pluviales sont des priorités, ceci même si les citoyens ont du mal à se les approprier, et même si souvent le coût est plus élevé à la construction et doit inclure un plan pour l’amortir.
Aurèle HOUNGBEDJI, expert en gestion de capital économique bancaire et des risques financiers liés au changement climatique, parle du frein suite à la Covid 19 et de la relance nécessaire. Investir dans beaucoup de secteurs de l’économie, favoriser les financements mixtes, tels que dans le tourisme, les infrastructures, incluant le numérique et l’argent mobile, attirer le privé, permettra une reprise durable.
Aurèle HOUNGBEDJI prend l’exemple du changement climatique, rappelant que dans le domaine vert il y a de nombreux fonds. Il n’y a pas de frontière climatique, tout le monde est affecté et les projets doivent attirer des investissements, et contribuer ainsi au développement.
Laurence KEKE, Directrice Minigrids Bénin, Directrice générale AT Engie PowerCorner, présente sa démarche sur l’accès dans les zones avec déficits d’électricité, des solutions à l’échelle d’un village, l’énergie étant le catalyseur et permettant de diminuer l’utilisation de groupes électrogènes, sources de pollution.
L’adaptation au cas par cas et des coûts peu élevés, permettent d’installer par exemple des kits solaires domestiques, des modes de conservation des produits tels que des solutions de séchages, accompagnés généralement de programmes de formation. La démarche consiste à rechercher toutes les solutions.
Deux types de financement sont utilisés : des subventions pour baisser le coût de la mise en œuvre dans des zones rurales sans moyens et des financements en dette concessionnelle pour investissements sur le long terme.
Laurence KEKE insiste sur le fait que les objectifs que se sont fixé les pays africains, à l’horizon 2030, visent l’indépendance énergétique, avec de nombreux projets comme les barrages hydroélectriques, les centrales thermiques.
Edem D’ALMEIDA, PDG d’Africa Global Recycling AGR Togo, a créé une structure de valorisation de déchets en 2017. L’objectif est de s’adapter, responsabiliser les acteurs. C’est un virage pour replacer l’innovation sociale au cœur des collectivités locales, de l’éducation.
Edem D’ALMEIDA reconnaît que dans le contexte d’un continent vu comme un relai de croissance, on ne peut que faire de l’investissement responsable. Il s’agit pour les entrepreneurs, de tenir compte des expériences, de trouver le bon projet avec rentabilité afin d’attirer des investisseurs.
Il précise qu’il y a beaucoup de fonds disponibles et que le banquier doit, lui aussi, innover, apporter des solutions simples, comme par exemple avec les coopératives de femmes, des séchoirs supplémentaires pour les tomates devant une production qui monte…
David MUNNICH, Directeur Exécutif d’I&P Accélération et I&P Développement, aide à apporter du capital et accompagne les expertises devant une véritable révolution entrepreneuriale, avec un PIB qui a doublé et crée un espace pour une classe moyenne et qui sollicite des investissements, de l’emploi local.
David MUNNICH nous parle de son mandat qui est de lever des fonds pour financer les PME et entrepreneurs, avec une palette de financements mesurés pour chaque situation, comme par exemple l’investissement en capital où l’on devient associé avec l’entrepreneur, tout en contribuant aux grandes décisions stratégiques en copilotage devant les attentes du marché, permettant au bout de quelques années de rentabiliser les investissements.
A l’issue de l’ensemble des interventions, nous notons des lignes convergentes :
Tout d’abord la tendance sur les changements de dynamique qui consiste en une adaptation des projets et de solutions générales au plus près des pays concernés, également une inflexion vers la consommation intérieure avec un PIB croissant ;
Tous s’accordent pour reconnaître l’impact de la Covid : les entrepreneurs locaux qui connaissent le terrain, investissant avec des organismes locaux, ont vu leurs projets retardés par la Covid. La Covid a également ralenti l’acheminement des matériaux au points de déploiements et d’utilisation ainsi que les stockages ; or les besoins en Afrique sont énormes en infrastructure, routes, ponts…
Les secteurs où l’on note le plus de reprise post-Covid sont la fabrication de produits manufacturés, la construction, le recyclage ;
Une autre réflexion convergente a pris une importance particulière dans les échanges, celle du rôle des membres de la diaspora qui ont fait leur retour au pays. Même si l’histoire des diasporas varie d’un pays à l’autre, d’une génération à l’autre, des caractéristiques communes sont mises en avant. Les cinq intervenants concernés ont apporté leurs témoignages et expériences : en retournant au pays, ils apportent un savoir-faire, une expérience, des financements, un réseau. Mais cela comporte des défis, de l’humilité, d’avoir un business plan, un plan B au cas le A ne marche pas… Cela demande en tout premier lieu une adaptabilité dans la société, de la patience devant les frustrations car les rythmes sont différents.
Conclusion :
Alban Bogeat remercie l’ensemble des intervenants, ceux qui ont suivi ce webinaire, ouvrant une fois de plus le cercle aux cinq continents et au premier chef l’Afrique et la dimension économique.
Alban Bogeat remercie ensuite la technique, la modération et invite à rejoindre et suivre le Cercle tout en souhaitant succès à tous les entrepreneurs. Il salue la qualité des interventions sur des sujets extrêmement variés tels que le thème du développement durable, avec de nombreux autres comme l’énergie, le recyclage, la création d’emploi chez les jeunes, et toutes ces problématiques du financement que l’on a découvertes, la thématique extrêmement importante de la diaspora ; autant de dossiers que l’on pourra ouvrir à nouveau.
Alban Bogeat a été frappé par le très grand optimisme des intervenants, optimisme dont on a particulièrement besoin après cette pandémie.
Sèdjro Landry KATARY à son tour remercie les panelistes, les intervenants des institutions internationales, les auditeurs. Il rappelle ensuite la raison d’être de Africa Forex 55 : Africa Forex 55 sert de lien entre les diasporas et le continent africain, entre les opérateurs africains et occidentaux.
Le logo de Africa Forex 55 représente la métaphore de la « jarre trouée » du Roi Ghézo du Bénin. « Le roi Ghézo disait que si tous les enfants du pays pouvaient se rassembler malgré leurs divergences et leurs différences, alors le liquide ne coulerait plus et la jarre ne serait plus trouée », réaffirmant que c’est de là que Africa Forex 55 tire toute son inspiration, quelles que soient nos divergences, différences, races, nous pouvons être en cohésion pour travailler ensemble et évoluer davantage.
Alicia Virasolvit
Administratrice du Cercle Richelieu-Senghor