Mme Fawzia ZOUARI : Le Parlement des écrivaines francophones, sa diversité, ses objectifs et ses engagements

Communiqué :


Alban Bogeat, Faouzia Zouari et Claire Deronzier
Alban Bogeat, Faouzia Zouari et Claire Deronzier

Introduction d’Alban Bogeat :

« Chers Membres du Cercle Richelieu Senghor,

Chers Amis du Cercle,

Je suis ravi de vous accueillir pour ce deuxième dîner de l’année 2024.

Je tiens tout d’abord à remercier notre oratrice, Mme Fawzia ZOUARI,

Romancière et journaliste,

Présidente du Parlement des Écrivaines francophones,

qui a bien voulu accepter notre invitation, et qui a choisi pour thème :

« Le Parlement des écrivaines francophones, sa diversité, ses objectifs et ses engagements ».

J’ai souhaité placer ce dîner du mois de mars sous le signe de la Journée internationale des Droits des Femmes qui a lieu dans 3 jours, et il m’a semblé que ce thème se prêtait bien à la circonstance.

Je voudrais par ailleurs remercier M. Roger Pilhion (spécialiste de la francophonie, et ami du Cercle, ancien intervenant), M. Pilhion qui m’a suggéré ce thème, et a assuré la mise en relation.

Tout à l’heure, je présenterai comme de coutume notre oratrice avant de lui donner la parole, mais pour l’heure je voudrais évoquer brièvement l’actualité du Cercle Richelieu Senghor.

En ce début d’année 2024 où la France s’apprête à accueillir le Sommet de la Francophonie, il m’a paru indispensable d’actualiser notre présentation du Cercle Richelieu Senghor, avec une nouvelle  brochure, celle du cinquantenaire étant épuisée.

on en mettra des exemplaires à votre disposition à la sortie. 

Dans ce nouveau document, Vous trouverez en particulier :

  • un aperçu de nos dîners-rencontres des six années écoulées, depuis que j’en ai pris la  présidence… une sélection qui reflète la diversité des sujets abordés, regroupés en 5 grands thèmes :
  • Dialogue des cultures
  • Enjeux économiques
  • Éducation
  • Littérature, arts et poésie
  • La francophonie des États
  • Une page est consacrée au Prix Richelieu Senghor : on y retrouve les 6 derniers lauréats, une parfaite parité : 3 femmes- 3 hommes.… un résultat qui mérite d’autant plus d’être souligné que cela s’est fait naturellement, sans imposer aucun quota au jury…

(Je rappelle que le Prix Richelieu Senghor distingue des personnalités dont l’action contribue de façon exceptionnelle au rayonnement de la langue française et de la francophonie)

  • Enfin, en 4ème de couverture nos partenaires… Un réseau d’une dizaine d’institutions avec qui j’ai tissé patiemment des liens tout au long de ces 6 années.

Et j’ajoute… avec plaisir que nous venons d’enregistrer une nouvelle candidature, celle de l’Université de Montréal. Avec ses 67 000 étudiants l’Université de Montréal constitue, en incluant ses deux écoles affiliées (HEC Montréal et Polytechnique Montréal), le premier pôle d’enseignement supérieur et de recherche du Québec. Une candidature à laquelle je suis bien sûr particulièrement sensible en tant que diplômé de HEC Montréal… et je salue la présence ce soir de la Directrice du Bureau Europe de l’Université de Montréal, Mme Isabelle Lépine.

Cette nouvelle brochure a été réalisée sous ma conduite par deux de nos membres qui ont effectué un travail remarquable: Fanny Noetinger et Alicia Virasolvit. J’aurais bien sûr souhaité qu’elles soient toutes les deux présentes mais Alicia est empêchée. En revanche Fanny Noetinger est avec nous ce soir. J’ai pu apprécier son professionnalisme, elle nous a fait bénéficier de son expérience de l’édition chez Actes Sud. J’ajouterai que Fanny, qui est membre depuis deux ans, est très impliquée dans la vie du Cercle puisqu’elle nous a déjà fourni le thème d’un de nos dîners : la Grande grammaire du français avec Mme Anne Abeillé, c’était en septembre dernier.

Je tiens aussi à remercier les trois relecteurs de la brochure (Mmes Josseline Bruchet et Michèle Toussaint, ainsi que M. Guy Lavorel)

Et maintenant selon la coutume, je voudrais donner la parole à un nouveau membre, et bien sûr, ce soir ce sera une nouvelle membre, pour lui permettre de se présenter.

En l’occurrence Annie Monia Kakou

Annie Monia devient membre cette année, en 2024, mais déjà tout au long de l’année dernière elle a tenu à apporter sa contribution à la vie du Cercle, en me fournissant une aide très utile en matière de communication…

Donner la parole à Annie-Monia…

Merci…

Nous nous réjouissons d’accueillir au sein du Cercle de jeunes éléments qui s’impliquent à nos côtés, comme Annie Monia ou comme Fanny Noetinger. Le Cercle a 53 ans, mais il continue d’attirer de jeunes (talents) qui pourront ainsi poursuivre notre mission en faveur de la francophonie et du dialogue des cultures.

Et je ne voudrais pas terminer sans une mention toute particulière pour une de nos membres : la Déléguée du Québec aux Affaires francophones et multilatérales, Mme Claire Deronzier.

En effet, Claire participe pour la dernière fois en cette qualité à un dîner du Cercle car sa mission à Paris s’achève à la fin du mois. Et je le regrette beaucoup car depuis notre rencontre à Erevan en 2018 à la Conférence des ONG de la Francophonie, Claire est devenue un indéfectible soutien du Cercle et une amie.

Claire a non seulement participé régulièrement à nos dîners, mais elle a apporté sa collaboration à l’organisation d’événements, notamment les visioconférences pendant le Covid, et pour le dîner de mars dernier elle a favorisé la venue de l’intervenant, chercheur à l’UdeM. 
Alors un grand merci, chère Claire, et le Cercle t’accueillera avec plaisir si tu viens à Paris.

Tout à l’heure je vous présenterai notre oratrice, mais auparavant je vous laisse à vos échanges que je souhaite, selon la formule consacrée, chaleureux et enrichissants… »


« Ma francophonie », présentation de Annie-Monia Kakou :

« Je souhaiterais avant tout remercier le Président Alban Bogeat ; Merci de m’avoir ouvert les illustres portes du Cercle Richelieu Senghor. Merci pour tes précieux conseils, ta disponibilité et ton humanisme. Merci à vous membres du cercle pour votre confiance et de me permettre de vivre cette expérience enrichissante à vos côtés.

Je suis franco-ivoirienne. Diplômée en Communication politique et publique.  Je suis venue en France à l’âge de 6 ans. La langue française c’est comme ma langue maternelle, ça toujours été naturel

Aussi, ce soir, je souhaiterais vous partager cette part de francophonie qui me définit.  

Ma Francophonie, c’est d’abord l’amour et la passion pour la langue française. Cette langue riche et nuancée qui m’a ouvert les portes d’un univers de connaissances, de littérature. C’est à travers elle que je communique, que j’exprime mes idées, mes émotions, mes rêves. L’un des socles de mes identités.

Ma Francophonie, C’est la découverte de traditions, de coutumes et de modes de vie différents, partagés par les peuples francophones du monde entier. C’est l’émerveillement devant la richesse et la diversité de cette grande famille qui s’étend des rives de l’Afrique aux montagnes du Canada, des îles du Pacifique aux plaines d’Europe.

Ma Francophonie, c’est un engagement pour la solidarité et le partage. C’est la conviction que nous sommes tous liés, que nos destins sont entrelacés, que nos différences sont autant de richesses à préserver et à célébrer. C’est la volonté de construire ensemble un monde plus juste, plus équitable, où chacun a sa place et sa voix.

Ma Francophonie est un voyage sans fin, une aventure pleine de découvertes et de rencontres. Elle est le creuset de mes souvenirs, le terreau de mes aspirations.

C’est l’une de ses aspirations que je souhaite partager avec vous ce soir. En ce mois dédiée aux luttes pour les droits des femmes Je souhaiterais vous lire un extrait de mon recueil , un poème dédié à toutes les filles qui vivent dans des zones de guerres et  d’instabilité politique

Les Filles D’ailleurs

Entendez vous ces voix qui s’élèvent

Comprenez-vous ces cris dans la nuit

Tels des mots qui s’éclatent et s’envolent

Tels des armes qui hurlent ôtant leur vie

Levons enfin nos yeux pour voir la vérité

De ce tragique destin

Ou chacun en offrant de sa liberté

Peut changer la page de demain

A-t-on seulement le droit

De leur laisser porter seules la croix

A-t-on donné le choix

De porter haut leur petite voix.

Toutes ces filles du Congo jusqu’en Syrie

Ont le droit de croire au rêve de leur vie

Celui qui nous sépare et nous unit

Ensemble là-bas ou seuls ici

Écoutez-vous le son de leur cœur

Comprenez-vous qu’elles ont perdu l’innocence

Le jour où toute cette souffrance

A fermé leur carnet de bonheur

Levons nos poings, levons nos armes

Battons-nous pour que leur histoire

Construite avec chacune de leurs larmes

Fonde les routes de nos mémoires

A-t-on seulement le droit

De leur laisser porter seules la croix

A-t-on donné le choix

De porter haut leur petite voix.

Toutes ces filles, du Liban jusqu’en Lybie

Ont le droit de croire au rêve de leur vie

Celui qui nous sépare et nous unit

Ensemble là-bas ou seuls ici

Le monde est fait de mille contrées

Avec des notes complexes et divisées

Où chacun aspire à son bout de terre

Sans haine ni bras de fer

On a tous droit à un territoire de paix

Où chacun cultive le respect

Mesdames, Messieurs, qu’écrirons-nous dans nos testaments

Si nous leur laissons que ruine et armement

Je vous remercie. »


Texte de Mme Fawzia ZOUARI :

Têtes de chapitres :

Le PEF, un réseau d’échange et de solidarité. Avec pour objectifs :

  • Affirmer qu’il y a un écrire-ensemble au féminin
  • Mettre en exergue la littérature féminine
  • Faire émerger une voix féminine sur les affaires du monde
  • Repenser le rapport à la langue française
  • Réécrire l’Histoire d’un point de vue féminin
  • Déconstruire les discours masculins
  • Produire une nouvelle pensée au monde.

L’Appel de la Martinique

Attendu que ce pays a vu éclore tant de pensées offertes au monde, tant d’écrits à résonnance universelle, il est normal que notre appel y trouve sens.

Attendu qu’une pensée doit rejoindre un lieu, comme dirait Raphael Confiant, la nôtre a jailli ici, comme si elle ne pouvait trouver ailleurs racine et ancrage.

Attendu que ce pays est une île et que vers les îles convergent les égarés de toutes les mers,

Attendu que chaque petite poignée de cette terre semble contenir le limon de toutes les terres et qu’une main semble y avoir semé les gènes de l’humanité tout entière. Ici, nous sommes à la porte de la Martinique. Le lieu du Tout Monde aurait dit Glissant.

Ici, où la grande Histoire s’est faite histoires et récits au pluriel, migrations continuelles, forcées ou volontaires, prisons sans fenêtres et frontières illimitées,

Ici sont passés peuples et ethnies, hommes et femmes poussés sur ces rivages, libres ou enchaînés, conquérants ou vaincus, laissant leur vie derrière eux, tenant dans le creux de la main, obstinément, une graine d’avenir à semer, une ligne d’horizon à dessiner.

Tout s’est superposé, en strates, souffrances sur souffrances, mais aussi, lumières sur lumières, celles qui viennent soudainement éclairer le monde d’une parole réparatrice sur les fers à briser, les libertés à priser.

Attendu que sur cette île, le passé a tissé des appartenances multiples et tant de possibles,

Une île où le malheur n’a jamais pris le dessus sur l’instinct de vie. Ce pays/fabrique de résilience et d’espoir, et d’une poésie chevillée à la parole sage et au concept fondateur. Celui de « négritude » par exemple. Aimé Césaire. Lui, parmi ceux qui ont interrogé le monde, pour dénoncer ses violences et ses mépris, qui ont tenté de donner une orientation, un cap vers ce qui fait sens et humanité, avec ce chant premier de fraternité resurgissant au milieu de ses mots comme une voix d’Afrique lointaine et éternelle.

Attendu tout cela, nous, en tant que femmes issues des plusieurs pays, voulons aujourd’hui, à partir de la Martinique, nous adresser au reste du monde.  Dire l’urgence d’écouter notre parole de femmes. Dire que nous pouvons être une solution au monde. 

Pourquoi ? Il suffit de regarder autour de vous. Ce monde aliéné par toutes sortes de folies, meurtri par les guerres, malade de ses crises, ses dérives technologiques, sa misère, son saccage de la nature, et ses réclusions identitaires. Est-ce la faute des femmes ? Non !

Regardez nous, les femmes, justement. Longtemps privées de parole, écartées, en butte à la violence, au mépris. Si l’humanité fut réduite au monologue de l’Occident, comme l’a dit Senghor, il faut rappeler qu’elle fut réduite également au monologue masculin. Une humanité dans laquelle les voix féminines ont été empêchées, muselées, au mieux, ignorées, rendues inaudibles par le brouhaha des hommes.

Oui, une grande partie du malheur du monde est inscrite dans cette surdité et ce vide fait autour de la parole des femmes.

Il ne s’agit pas tant de demander d’autres droits à octroyer aux femmes que de poser la question de leur pouvoir à réparer le monde et de l’urgence de cette réparation. Réparer le monde, c’est-à-dire le penser autrement, le libérer de ses démons, lui éviter le pire qui s’annonce.

Oui, de la Martinique, les femmes proposent : non pas le énième combat pour la cause des femmes, non pas des mesures d’égalité ou de justice pour elles-mêmes – dont beaucoup tardent à venir-, mais un combat pour la cause du monde. Un combat qui s’achève dans la raison du Monde.

Alors, réfléchissons au postulat d’une esthétique et d’une pensée féminines comme réponse et solution. Une esthétique qui fasse advenir le féminin en chacun de nous, hommes ou femmes.

Il nous faut donc nous engager dans ce travail. Celui que Marijosé Alie a déjà commencé ici, en Martinique. Ce travail qui consiste à :  combler les non-dits de l’histoire, libérer les mémoires pour les réconcilier. Partir certes du passé, non pas pour s’y laisser piéger mais pour s’ancrer dans l’avenir. Rompre avec les discours victimaires, sortir un peu de Césaire, osons le dire, pour en finir avec le décompte des décombres et donner à la parole du même Césaire son prolongement, plus que jamais nécessaire, de la réconciliation.

Invoquer le temps des femmes c’est dire que l’heure est venue d’entendre la voix de l’espoir chevillé à la raison.  C’est inventer de nouveaux langages, décloisonner les perspectives, raconter de nouveaux récits débarrassés des chaînes des traditions sacralisées et des dieux guerriers et virils.

Inaugurer une nouvelle ère par et avec les femmes, c’est réhabiliter les dignités, affirmer la nécessité du vivre-ensemble, procéder à des réajustements politiques et des rééquilibrages de nos sociétés, préserver demain, tout simplement.

Vous l’avez compris, Il ne s’agit pas de prendre la place des hommes.  Il ne s’agit pas de ressentiment vis-à-vis d’eux. Il s’agit de donner aux femmes la place qui leur revient dans la résolution urgente des problèmes du monde ; non pas d’exclure l’autre sexe, mais de montrer en quoi le féminin peut générer, préserver, se faire un territoire où la vie appelle la vie, la préserve, la prolonge. Il s’agit de produire de l’universel. Voilà un mot clef. A cette différence que nous ne verrons plus l’universel, à la manière de Césaire, c’est-à dire, « comme un approfondissement de notre propre singularité », nous le verrons comme la singularité d’un féminin se définissant d’abord comme un approfondissement de l’universel en chacun de nous.

De la Martinique, nous aurons formulé ce discours, ce point de vue, cette proposition qui pourrait essaimer partout, faire réfléchir, convaincre. D’ici, de cette mer nous jetons cette bouteille pour les générations futures. Avec ce message sous forme de question :  Et si le nouvel Homme, celui qui sauvera l’humanité, était une femme ?

Faouzia Zouari
Faouzia Zouari

Madame la Présidente, Mesdames les jurés,

Permettrez que mon réquisitoire soit dirigé vers celles, parmi les accusées, qui viennent du Sud comme moi et se réclament de la culture arabo-musulmane. Parce que je partage leurs origines, je suis à même d’identifier leur infamie. Parce je connais la vraie mission à laquelle elles sont tenues, je n’hésiterai pas à dénoncer leurs écarts et dérives.

Mesdames les accusées, il est dit et écrit dans nos livres que les hommes ont prééminence sur les femmes et qu’à ce titre, il leur revient de parler et d’agir à leur place. Et voilà que vous inversez les rôles ! Voilà que vous vous mettez à dire, comme si vous pouviez tenir une parole juste et sensée. Certaines d’entre vous, il est vrai ont prétendu faire récit, comme cette folle de Shéhérazade, mais il ne leur fut pas permis d’écrire, souvenez-vous, seul le registre de l’oral fut concédé à cette rescapée de la loi des hommes. Et si nous avons autorisé le conte c’est justement pour vous signifier l’interdiction qui vous est faite de raconter la réalité.

Par conséquent, Madame la Présidente, j’accuse ces écrivaines des délits suivants : la trahison du secret tribal, l’outrage à la pudeur, la concurrence déloyale, l’usurpation d’identité et la connivence avec l’étranger.

Trahison du secret. Voilà le délit suprême. Car vous faites semblant, Mesdames, de ne pas savoir que vous êtes le secret lui-même, le concentré d’identité du clan et son mystère caché . Et vous voilà en train de dévoiler ce qu’il y a de plus intime en vous, en nous, à travers vos écrits, en les exposant sous le regard de tous.

Cette profanation de l’intime implique un autre délit : celui d’outrage à la pudeur. Vous choquez les fidèles en faisant étalage de vos sentiments, vos désirs, votre corps. Vous aimez, vous vous dénudez, vous allez jusqu’à décrire vos ébats, vous jouissez, et vous riez, et vous pleurez sans retenue !

Autre délit est celui d’oser dire « je » là où la décence exige de dire Nous. Car il ne peut exister d’individualité en dehors de la communauté. Et il n’est guère de place à celui qui prétend que sa personne, son bien-être, sa parole ou sa liberté personnelle surpassent l’intérêt de la oumma.

Je ne manquerais pas non plus d’invoquer le délit de diffamation dont vous êtes coupables. Car vous dites tant de choses sur les hommes et vous mentez. Vous leur collez tant de crimes et d’infamies dont l’humanité serait dispensée si vous n’étiez là à médire, ourdir des ruses et provoquer. Vous donnez de nos sociétés l’image du chaos et du désordre, alors que vous êtes la cause du chaos et du désordre.

La concurrence déloyale est un autre de vos délits : Comment pouvez-vous prétendre écrire comme les hommes, voire mieux, alors qu’ils ont tenu la plume depuis la nuit des temps, pendant que vous croupissiez dans vos cuisines. Eux qui vous ont transmis le savoir, la religion, la promesse de l’au-delà.

Pire, après avoir volé la vocation des hommes, voilà que vous volez la vocation de Dieu : Vous avez oublié que l’écrit lui appartient en premier. C’est lui le maître de la langue et l’auteur du Texte inimitable, le Coran.

Qui mieux qu’Allah possède l’art du mot et le miracle de la langue ?

Qui, à part Lui, détient la vérité ? Qui a le droit, en dehors de Sa Seigneurie, de créer les récits, les intrigues et les personnages ?

Vulgaires pasticheuses et auteurs de seconde catégorie, voilà ce que vous êtes.

Enfin, et ce n’est pas le moindre de vos délits, je vous accuse de connivence avec l’étranger. N’est-il pas vrai que vous écrivez dans la langue des infidèles et que vous faites résonner leur voix au milieu de vos phrases et faites passer leurs idées en voyageuses clandestines.

Pour tout cela, Madame la présidente, je réclame contre ces femmes la sentence la plus dure. Brûler leurs livres comme au bon vieux temps des sorcières, les renvoyer derrière les murs, et les condamner au silence qui seul, peut épargner les hommes du pire.


Biographie de Fawzia ZOUARI :

Essayiste et romancière tunisienne, Fawzia Zouari est née à Dahmania, dans le Nord-ouest de la Tunisie et vit à Paris depuis 1979. Docteur en littérature comparée (Sorbonne Nouvelle), elle a travaillé à l’Institut du monde arabe avant d’intégrer le journal Jeune Afrique. Elle préside actuellement le Parlement des écrivaines francophones et a été nommée en 2019 Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres de la République française.

À  son actif une vingtaine de romans et essais dont La Caravane des chimères (1990), Ce pays dont je meurs (1999), La Retournée (2002), Le voile islamique (2002), La deuxième épouse (2006), Je ne suis pas Diam’s (2015), Le corps de ma mère (2016), Molière et Shéhérazade (2019), Valentine d’Arabie (2020), Par le fil je t’ai cousue (2022).  Elle est lauréate de plusieurs distinctions dont le Prix des cinq continents de la francophonie, le Grand Prix littéraire de Provence et le Comar d’Or de Tunisie. 

Publications :

  • La Caravane des chimères (roman), Paris, Olivier Orban, 1989
  • Pour en finir avec Shéhérazade (essai), Tunis, CERES, 1997
  • Ce pays dont je meurs (roman), Paris, Ramsay, 1999. Sélectionné pour le Prix Europe 1
  • La Retournée (roman), Paris, Ramsay, 2002 ; J’ai Lu. Prix spécial de la Francophonie.
  • Le Voile islamique (essai), Lausanne, Favre, 2003
  • Ce voile qui déchire la France (essai), Paris, Ramsay, 2004
  • La Deuxième Épouse (roman), Paris, Ramsay, 2007. Comar d’Or du livre en Tunisie
  • J’ai épousé un Français (récit sous pseudonyme),Paris, Plon, 2011. Sélectionné pour le Prix de Côtes d’Armor.
  • Je ne suis pas Diam’s (essai), Paris, Stock, 2015
  • Pour une féminisme méditerranéen, Iremo, 2016
  • Le corps de ma mère (récit), Paris, Joelle Losfeld. Tunis, Demeter, 2016. Prix des Cinq continents, Comar d’or du livre en Tunisie, Grand Prix Provence Méditerranée, sélectionné pour le Prix Lagardère/Institut du Monde arabe
  • Douze musulmans parlent de Jésus, Paris, Desclée de Brouwer, 2017
  • J’avais tant de choses à dire encore : entretiens avec Malek Chebel, Desclée de Brouwer, 2017
  • Molière et Shéhérazade (essai), Descartes § Cie, 2019
  • Valentine d’Arabie (Biographie),Le Rocher, 2021
  • Par le fil je t’ai cousue (Récit), Plon 2022. Sélectionné pour les Prix La Closerie des Lilas, le Prix Marie-Claire, le Prix Lagardère/Institut du Monde arabe, le Grand prix du roman métisse, le Prix Paul Balta.

Livre d'or du 5 mars 2024
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