Monsieur Jean-Pierre de LAUNOIT, président de la Fondation Alliance française.
Chers amis,
Je tiens à remercier tout particulièrement Mme Anne Magnant et M. Simon-Pierre Nothomb qui m’ont fait l’honneur de me proposer d’intervenir devant vous ce soir, pour vous parler de « la Fondation Alliance française », lors du dîner-débat mensuel du Cercle Richelieu Senghor.
Permettez-moi de vous rappeler les étapes essentielles de notre histoire.
Les pères fondateurs
Un bel anniversaire : « Il était une fois … » par une belle fin d’après-midi d’été – c’était le 21 juillet 1883 – quelques personnalités éminentes se réunissent au 215 boulevard Saint-Germain à Paris.
Elles sont issues d’horizons très différents, mais animées d’un même idéal. Parmi ces « conspirateurs », l’on peut notamment reconnaître Ferdinand de Lesseps, le père du Canal de Suez, Louis Pasteur, Taine, Ernest Renan, Pierre Foncin et quelques autres, la réunion étant présidée par Paul Cambon, à l’époque Résident général en Tunisie.
Leur but commun est – ni plus ni moins – d’entreprendre une action qui rende à la France un peu de son prestige international entamé après la défaite de Sedan en 1870. Il fallait tenter de réparer d’une certaine manière l’échec des armes par la séduction de la culture.
Pour cela, ils eurent à la fois le génie et l’audace de faire appel à tous les étrangers amis de la France, amoureux de sa langue et de sa culture, où qu’ils soient de par le monde.
Ces étrangers créeront alors des structures locales, autonomes et indépendantes composées de bénévoles de qualité, qui bénéficieront, après avoir reçu le label de l’Alliance française de Paris, du soutien moral et souvent financier du ministère français des Affaires étrangères.
Ce fut un succès retentissant et dix ans plus tard, en 1893, des Alliances françaises dynamiques existent déjà sur les cinq continents. Ce furent aussi les débuts de nos multiples implantations en Amérique latine, région du monde qui allait devenir en quelque sorte notre « navire amiral ».
Les « pères fondateurs » du mouvement seraient sans aucun doute très étonnés aujourd’hui de l’ampleur prise par l’association créée il y a plus d’un siècle.
Tout au long de ses 125 années d’existence, l’Alliance française n’a pas démérité. Elle regroupe aujourd’hui 1 071 comités (dont 28 en France) sur les cinq continents et assure une présence dans 133 pays, dans les grandes métropoles, mais aussi dans les coins les plus reculés comme par exemple à Ushuaia et à Oulan Bator. Elle propose, outre des cours de français à un public de 450 000 personnes en 2007, des activités culturelles et artistiques touchant environ 6 millions de participants.
L’Alliance française est partout administrée par des femmes et des hommes du pays d’accueil, avec le soutien des pouvoirs publics français.
L’aide financière du ministère des Affaires étrangères et européennes dans le réseau, prenant en charge quelque 300 expatriés, s’élève à environ 40 millions d’euros par an. Il est important de souligner que cette aide se trouve à la fois démultipliée, puisqu’elle est relayée par nos partenaires étrangers, mais aussi toujours largement développée grâce à des contributions locales diverses.
Une nouvelle naissance : au moment de fêter ses 125 ans d’existence, où en est l’Alliance française aujourd’hui ?
Voilà que tout recommence : l’Alliance française de Paris a décidé, à côté de son rôle d’enseignement du français dorénavant recentré dans une structure distincte, l’École, de créer une nouvelle entité indépendante, une fondation d’utilité publique, entièrement dédiée au réseau.
Cette fondation représente vraiment le plus grand tournant réalisé par notre mouvement depuis sa création ; il s’agit bien là d’une « nouvelle naissance », avec comme objectif essentiel, d’aider notre réseau à s’adapter à son temps et à ses exigences.
Elle bénéficie du soutien moral, combien nécessaire, d’un comité de parrainage prestigieux, présidé par le ministre Michel Barnier et composé de Jacques Attali, Robert Badinter, François Bonnemain, Hélène Carrère d’Encausse, Patrick de Carolis, Alain Decaux, Abdou Diouf, Erik Orsenna et Catherine Tasca.
Son Conseil d’administration l’est tout autant : comme vice-présidents : Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française et Michel Lucas, président du groupe bancaire CIC, principal donateur privé de notre fondation qui nous apporta un soutien tout à fait déterminant à nos débuts ; comme trésorier : André Cointreau, président-directeur général du Cordon Bleu, ici présent, que je tiens à remercier tout particulièrement. Il est non seulement l’un de nos premiers donateurs – comme le groupe Total et les Laboratoires Pierre Fabre – mais également notre plus fidèle partenaire pour l’organisation de nos colloques. Nous comptons également, parmi nos membres, Erik Orsenna et Bernard Pivot, pour qui le rayonnement de la culture française et de sa langue est vraiment la raison d’être de toute leur existence.
Quels sont nos atouts ?
Ils sont nombreux :
. la légitimité historique alliée à une vision renouvelée,
. le génie de la formule : depuis plus d’un siècle, des femmes et des hommes de tous pays qui, amoureux de la culture et la langue françaises, se chargent de la faire aimer à leur tour et s’y investissent de toute leur âme,
. l’incomparable notoriété du nom « Alliance française » à travers le monde,
. le dynamisme d’un réseau mondial en plein développement : il se crée par an une dizaine d’Alliances et les effectifs d’étudiants progressent au rythme de 3 à 5 %,
. la souplesse et l’adaptabilité aux lieux et aux circonstances et dès lors un réseau universel d’amitiés et de soutien.
Quelles sont les ambitions de la fondation ?
La fondation Alliance française a pour but de donner un souffle nouveau à l’action de son réseau international :
. organiser des missions d’experts et des stages de formation à l’enseignement et à la gestion,
. échanger régulièrement des informations et des expériences, mais aussi des professeurs, des étudiants, des artistes,
. coordonner des actions internationales de communication et organiser des évènements culturels.
La fondation doit constituer la plaque tournante de ces échanges, ainsi qu’un espace virtuel où les besoins sont mis en commun et les projets encouragés.
Ainsi, elle a réuni à Paris en janvier 2008, pour son colloque international, tous les responsables du réseau. Cette rencontre a rassemblé plus de 500 participants, dont 240 présidents venus de 93 pays, et a connu un énorme succès.
Mais pour satisfaire pleinement l’attente légitime et les souhaits du réseau, la fondation doit, bien évidemment, accroître ses moyens. Nous entreprenons de nombreuses démarches en ce sens.
Une contribution à la diversité culturelle
La fondation Alliance française est plus que jamais engagée dans le combat mondial pour le multilinguisme. Car nous rejetons avec force toute forme de monolinguisme réducteur quel qu’il soit, sous le prétexte fallacieux qu’il serait le fruit inéluctable d’une certaine mondialisation.
Ce sont surtout les jeunes qui se montrent désireux d’apprendre notre langue, tant pour faciliter leur insertion dans la vie active que pour rechercher l’alternative culturelle à un monde anglo-saxon dominant ou pour pratiquer l’ouverture identitaire comme antidote efficace au choc des civilisations.
En ce sens, nos Alliances sont des pôles d’attractivité du français et de la francophonie aux quatre coins du monde.
Dans cette approche harmonieuse avec d’autres langues, nous avons été très heureux de recevoir, aux côtés de cinq autres instituts culturels européens dont le Goethe et le British Council, le prix prestigieux « Prince des Asturies 2005 de la Communication et des Humanités », des mains du Prince Héritier d’Espagne. C’est un motif de fierté pour l’Alliance française que d’avoir été associée à ces instituts avec lesquels elle partage une ferme volonté de promotion des diversités culturelle et linguistique, dans un hommage collectif rendu à l’Europe multiculturelle.
En conclusion
Notre souhait ? Que chacune de nos Alliances représente le lieu où l’on rêve d’un monde meilleur, d’un avenir plus souriant et soit, en quelque sorte, l’école de la connaissance et du respect des autres.
La fondation s’attache à développer sa fidélité aux valeurs culturelles et humanistes de nos pères fondateurs, valeurs qui caractérisent notre mouvement. Nous devons garder vivace cet appétit culturel dans une complicité de goûts, de références et d’idéal.
Dans notre environnement actuel, parsemé hélas quotidiennement de violences et d’égoïsme sous toutes ses formes, ne pourrions-nous pas être en toute modestie, des apôtres de cette fraternité de l’esprit et du « pas vers l’autre » ? Cela apporterait un facteur d’harmonie et d’équilibre dont nous avons tous le plus grand besoin !
La fondation Alliance française lance un appel public à la rejoindre dans une action qu’elle considère comme vitale pour l’humanité.