Le Général (2s) Jacques FAVIN LÉVÊQUE, Membre du bureau d’EuroDéfense-France, ancien Délégué général du Groupement des industriels concernés par l’armement terrestre (GICAT).
Cela serait faire de la provocation caractérisée vis-à-vis de votre auditoire dont on m’a bien précisé la sensibilité en matière de francophonie que de commencer mon intervention en soulignant que désormais, pour être un militaire réellement opérationnel sur le terrain et donc pour faire la guerre, il faut être anglophone…. C’est pourtant un fait, quasiment irréversible : que cela soit au sein de l’OTAN ou hors OTAN, les procédures opérationnelles utilisées par l’armée française ainsi que par toutes les armées Européennes, et dans une certaine mesure par de nombreuses autres armées dans le monde, sont formatées en langue anglaise, comme du reste les procédures aéronautiques ou maritimes. L’anglais est devenue la langue de travail des militaires au même titre que le français était en d’autres temps celle des diplomates….
Cette désagréable précision vous étant donnée, je vais tenter maintenant de ne pas m’aliéner définitivement la sympathie que vous pourriez avoir à mon égard et je me propose, au cours de la petite demie-heure qui m’est impartie, de vous apporter un éclairage sur la situation géopolitique et géostratégique de notre monde, sur les menaces qui pourraient en troubler l’équilibre et sur les instances internationales qui ont la lourde charge de prévenir ces menaces et de résoudre les crises internationales avant qu’elles ne se transforment en conflit régional, voire mondial ; Autrement dit je vais évoquer la problématique de la guerre et de la paix dans le contexte géopolitique du monde multipolaire, et notamment ce qui est à mi-chemin entre paix et guerre, c’est-à-dire le phénomène des crises internationales.
En ce début de 21ème siècle, en fait quel sens donner au concept de défense ? La Défense de la patrie, de son territoire, de la nation, celle de leur environnement européen, ou plus largement encore, la défense des intérêts qui sont fondamentaux pour la vie et la sécurité de nos concitoyens, tout cela a-t-il encore un sens alors que nos frontières, pour la 1ère fois d’une très, très longue histoire, ne semblent pas réellement menacées. Certes nous ne sommes pas à l’abri des manifestations épisodiques du terrorisme international, ni de possibles coups de mains sur nos sources d’approvisionnement énergétique ou même, à terme encore assez éloigné, de l’envoi d’un missile isolé en provenance de ce que les Américains appellent un « Etat voyou ». Mais il faut bien reconnaître que la nature, le niveau et la probabilité d’occurrence d’un conflit conventionnel majeur n’ont en ce début de 21ème siècle rien à voir avec ce que notre pays a connu au cours du siècle passé.
Disposer d’une défense, dotée des dernières capacités qu’offrent les technologies de l’industrie de défense, y compris dans le domaine de la cybernétique ou de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, cela a un coût qui pourrait paraître de plus en plus disproportionné au regard de la probabilité d’occurrence de conflit et certains n’hésitent pas à se demander si de telles dépenses sont justifiées en ce début de 21ème siècle.
Dans la course de nos sociétés au confort et à la qualité de la vie, n’est-il pas en effet plus opportun de construire des hôpitaux, des écoles, des centres sportifs ou des équipements de loisir plutôt que des chars de bataille, des avions ou des porte-avions dont l’utilité n’est pas évidente dans le contexte du monde contemporain?
Il est bien vrai qu’il n’est pas saugrenu de se poser de telles questions, compte tenu du temps qui passe, qui fait clairement son œuvre en Europe en rendant la guerre improbable, sinon impossible, en tous cas totalement incongrue sur notre continent . L’Europe des nationalismes exacerbés, cause de tant de conflits pendant plusieurs siècles, dont le paroxysme s’est traduit dans les 2 conflits mondiaux, n’existe plus. La construction Européenne tue cette Europe-là un peu plus chaque jour. Le rideau de fer qui coupait l’Europe en deux blocs rivaux a disparu depuis plus de 20 ans, l’effondrement du nazisme et la chute du communisme laissent loin derrière nous l’ère des conflits idéologiques qui ont marqué le 20ème siècle.
C’est en partant de ce constat que la France, comme du reste la quasi-totalité des pays européens, ne cesse depuis le milieu des années 90 de diminuer la part de son budget consacré à la Défense . De près de 5% du PIB dans les années 60, nous en sommes maintenant à 1 ,8% du PIB, sensiblement en dessous de 2%, pourtant promis par le chef de l’Etat, ce 2% qui aux yeux des experts constitue le seuil en dessous duquel on n’est plus en mesure d’apporter une réponse cohérente et adaptée à la diversité des menaces.
Et pourtant regardons un instant la situation de notre planète et nous ferons vite un autre constat, celui que le concept de défense a encore un bel avenir…. Il s’agit désormais d’un monde multipolaire dans lequel une dizaine de pôles de puissance sont totalement interdépendants : Les Etats-Unis d’Amérique, hyperpuissance militaire, scientifique, technologique, économique, hyperpuissance encore incontestée, mais pour combien de temps face aux puissances asiatiques montantes comme la Chine et l’Inde, engagées l’une et l’autre dans une marche forcée vers le progrès et vers la conquête économique, voire géopolitique de la planète, sans parler des autres puissances émergentes telles que le Brésil, peut-être un Iran nucléaire demain, ou des puissances renaissantes comme la Russie, sans oublier la poudrière du Moyen-Orient et l’Afrique, pôle de misère, de pauvreté et de conflits ethniques avec son milliard d’habitants.
Ce monde multipolaire dans lequel est né le 21ème siècle sera-t-il celui du choc des civilisations comme le prédisent certains, celui des guerres de religion ou plutôt celui de la confrontation des fondamentalismes religieux ? Sera-t-il celui de la révolte des pauvres contre les riches, des pays du Sud contre ceux du Nord ? Sera-t-il celui des migrations massives de population, forme moderne des invasions d’antan ? L’expression même de ces antagonismes ne pourrait-elle se traduire par des affrontements et des violences au sein même des pays, prenant une forme s’apparentant à la guerre civile? En étant plus audacieux encore, on pourrait se poser la question : le 21ème siècle sera-t-il celui de la guerre cybernétique ? Ou même celui de l’élargissement des conflits terrestres à l’espace, le domaine spatial devenant un enjeu majeur dans les conflits humains ?
Nul ne saurait répondre à de telles questions. Un seule certitude s’impose : Le monde est et restera dangereux. Il faut de ce fait être capable de se défendre, tout en étant très conscient qu’il est particulièrement difficile d’imaginer ce que sera l’évolution des rapports de force entre les différents pôles de puissance qui se partagent la planète, et encore plus de se parer contre des menaces dont la globalisation du monde a diversifié à l’extrême la nature, l’ampleur et les lieux d’occurrence. Cette globalisation des menaces a, du reste, créé un continuum entre deux concepts jusqu’alors distincts, à savoir le concept de défense, en charge des menaces d’ordre strictement militaire et le concept de sécurité qui concerne les menaces non militaires au sens le plus large comme par exemple la sécurité sanitaire, la sécurité énergétique ou la sécurité écologique.
Alors que faut-il faire ? Comment se défendre et contre qui ?
Il faut en fait différencier plusieurs niveaux de réponses aux multiples menaces qui pèsent sur notre sécurité et plus largement sur la paix mondiale : le niveau national, le niveau régional, c’est-à-dire celui de l’Union Européenne, et puis plus loin encore, le niveau des instances internationales porteuses de la voix des Nations Unies, au premier rang desquelles se situe l’Alliance Atlantique.
Au niveau national d’abord, la notion de défense reste évidemment une préoccupation légitime. La défense reste plus que tout autre le symbole de la souveraineté nationale. Il s’agit d’un domaine régalien par excellence. Les intérêts vitaux de la nation dont la défense suprême relève pour notre pays de la dissuasion nucléaire, restent encore assez clairement identifiés. Ils ont été redéfinis par le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale de juin 2008, qui fait reposer notre défense nationale sur 5 principes : Connaître et anticiper, Prévenir, Dissuader, Protéger et Intervenir. Je ne rentrerai pas dans la traduction concrète de ces principes et je vous renvoie pour cela à la lecture, à vrai dire un peu austère, du livre blanc déjà cité. Je n’en soulignerai que le sens général qui s’en dégage, à savoir que les menaces sont extrêmement diversifiées et que la France, seule, ne saurait faire face à un éventail aussi large. Il est clair qu’en matière de défense, nous ne pouvons plus raisonner strictement national. La nature, la diversité et l’ampleur des menaces, les investissements nécessaires pour les contrer ne sont plus à la mesure d’un seul pays et si on élargit la problématique au domaine de la sécurité, il nous faut faire face à des menaces qui peuvent revêtir les aspects les plus divers du terrorisme international au réchauffement climatique, de l’immigration irrégulière à la criminalité transfrontalière, de la lutte contre les pandémies à la maîtrise de la production agricole. Là encore il nous faut raisonner au moins au niveau européen, si ce n’est même au niveau mondial
Du reste comment pourrait-on imaginer qu’une attaque déterminante contre l’un de nos partenaires européens, notamment parmi les majeurs, n’aurait aucune conséquence sur la situation de l’hexagone ? Très vite il nous faut passer du niveau national au niveau Européen. Il faut notamment être conscient que les interventions françaises en Afrique, de type Kolwesi ou N’Djamena, sont d’une autre époque. Seules pourront être encore menées au niveau strictement national des opérations ponctuelles au profit des territoires et des communautés d’outre-mer ou au profit des rares pays, notamment en Afrique, qui restent liés par des accords de défense pas encore dénoncés ou par des accords bilatéraux de nouvelle génération. Ceux-ci prennent progressivement la place des accords signés dans les années 60 à l’ère de la Communauté française. Ils traduisent clairement notre volonté de non–ingérence dans des pays souverains, ils excluent l’intervention militaire de la France dans des conflits qui leur sont internes mais restent très soucieux d’assumer la protection de nos ressortissants en cas de troubles intérieurs au pays hôte. Parallèlement à cette nouvelle politique, annoncée et mise en place dès le milieu des années 90, le dispositif français en Afrique a été très sensiblement réduit et se limitera à terme à 3 points d’appui permanents, pas encore définitivement arrêtés, mais très probablement Dakar, Libreville et Djibouti, complétés par une nouvelle base en cours d’installation aux EAU.
Il faut ajouter à cela les forces déployées temporairement en Afrique dans le cadre d’opérations ponctuelles. C’est notamment le cas de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, encore que cette opération débutée dans le cadre de l’accord de défense soit désormais menée en soutien d’une mission de l’ONU.
Il est clair que ce type d’opération est de plus en plus appelé à être marginal et il est de fait que nous avons assisté pendant la dernière décennie à l’avènement progressif de l’Européanisation des interventions en Afrique. La 1ère du genre a été l’opération Artémis menée au Congo en 2003 sous la responsabilité de l’Union Européenne, opération bientôt suivie de l’opération Kinshasa en 2007 sous commandement allemand, de l’opération Eu-For Tchad-RCA en 2008 sous commandement irlandais et actuellement de l’opération Atalanta, qui se propose de contrer la piraterie en mer dans le Golfe d’Aden au large de la Somalie.
Dans la quasi-totalité des cas, ce sont des opérations multinationales qu’il y a désormais lieu de mener, dans le cadre des instances internationales qui se partagent la lourde charge de veiller à l’équilibre géostratégique de ce monde instable aux risques multiples de dérapage dangereux.
Alors voyons ces instances internationales d’un peu plus près. En fait elles sont multiples, mais d’importance diverse. Les plus souvent sollicitées sont l’Union Européenne et l’OTAN, et ce, sous mandat de l’ONU, mais il ne faut pas pour autant sous-estimer le rôle grandissant de l’Unité Africaine dans la prévention des conflits en Afrique ou de l’ASEAN en Asie du sud-est , voire de l’Organisation de Coopération de Shangaï pour tout le continent Asiatique incluant la Russie.
Je n’évoquerai ce soir que les 2 premières, l’Union Européenne et l’OTAN, dans lesquelles la France constitue une importante partie prenante.
Je soulignerai toutefois qu’il n’est pas légitime d’établir des comparaisons entre les deux, car en fait ces 2 organisations ne sont pas de même pied. L’Union Européenne est une union d’Etats souverains qui partagent partiellement leur souveraineté au sein d’un espace politique commun ; Il s’agit donc d’une entité politique à laquelle le Traité de Lisbonne a déféré la personnalité juridique.
L’OTAN est de nature différente : c’est l’outil militaire d’une Alliance entre Etats liés par le Traité de Washington qui a créé l’Alliance Atlantique en 1949 pour faire face à l’époque à la menace que constituait l’Union Soviétique, bientôt élargie aux pays du pacte de Varsovie.
Cependant, là où il devient naturel de mettre en regard ces deux entités, c’est que l’une et l’autre se proposent de jouer un rôle géopolitique et géostratégique majeur dans l’équilibre du monde et notamment dans la résolution des crises internationales, celles-ci pouvant contenir le risque de dégénérer en conflit régional, voire mondial.
Quelques mots sur chacune de ces entités, et tout d’abord sur l’Union Européenne. En fait dès le traité de Maastricht en 1992, l’Union Européenne s’est fixée l’objectif de bâtir une Politique Etrangère et de Sécurité Commune, donnant ainsi naissance à une Politique de Défense et de Sécurité Commune. Cette politique commune a pris forme de façon progressive depuis le sommet Franco-Britannique de St Malo en 1998 jusqu’à la dernière étape en date, celle que constituent les avancées contenues dans le Traité de Lisbonne. En fait, il s’agit encore d’une ambition limitée à des missions de rétablissement et de maintien de la paix dans des zones troublées par une crise internationale, et ceci hors territoire de l’Union Européenne. Ce que l’on appelle à tort l’Europe de la Défense, ce n’est pas la défense du territoire de l’Europe. En fait la défense collective des pays de l’Union Européenne ne relève pas des instances de l’Union Européenne, mais de l’Alliance Atlantique et donc des moyens militaires de l’OTAN.
Alors l’OTAN : eh ! bien l’OTAN, c’est nous en quelque sorte, ce sont les 21 pays membres de l’Union européenne qui sont partie au traité de Washington, mais pas tout seuls puisque l’Alliance atlantique comporte 28 Etats membres au total…L’OTAN, c’est l’organisation militaire commune à ces 28 pays, parmi lesquels figurent majoritairement les Etats-Unis ainsi que d’autres Etats non Européens comme le Canada ou même la Turquie. Initialement, je l’ai rappelé, il s’agissait de se prémunir contre une attaque du Pacte de Varsovie dans la zone de l’Atlantique Nord. L’OTAN a fort bien joué son rôle pendant toute la guerre froide. Mais 1989, chute du mur de Berlin, suivie peu de temps après par l’effondrement de l’URSS et la disparition du Pacte de Varsovie. Plus d’ennemi …Logiquement l’Otan aurait de ce fait dû disparaître. Il n’en a rien été, notamment de par la volonté des Etats-Unis qui y jouent un rôle prééminent et pour lesquels l’Otan constitue un lieu privilégié d’influence géopolitique et géostratégique, voire économique et industrielle. Il s’en est suivi une période de tâtonnements et de flou sur l’existence même et sur le rôle de l’OTAN, période qui a pris fin en 2002 au sommet de l’Alliance Atlantique à Prague. Ce sommet a marqué un véritable changement de nature de l’Alliance et de sa raison d’être. Celle-ci demeure bien la défense collective des pays membres de l’alliance conformément à l’article 5 du traité de Washington, mais son rôle est désormais étendu à la gestion et à la résolution des crises internationales, y compris hors zone Atlantique Nord , en fait partout dans le monde. Le sommet de Prague a de plus officialisé le principe de l’ouverture de l’Alliance aux pays anciennement membres du pacte de Varsovie, au risque de réactions brutales d’une Russie qui se sent encerclée en dépit des assurances officiellement formulées à son égard. C’est du reste pour marquer son opposition à l’extension de l’OTAN à la Géorgie et à l’Ukraine que Moscou a si fortement réagi aux initiatives que le président géorgien a prises en août 2008 de façon un peu inconsidérée.
En fait l’Alliance Atlantique et plus particulièrement l’OTAN, son outil militaire, se trouvent actuellement en grande difficulté en Afghanistan et la question se pose d’une redéfinition de la politique et des orientations stratégiques d’une alliance dans laquelle l’Union Européenne ne pèse pas en tant que telle, en dépit notamment de la personnalité juridique que lui a donnée le traité de Lisbonne. Une remise à plat complète du rôle international de l’Alliance Atlantique, de sa relation avec l’Union Européenne, de sa relation avec les pôles de puissance émergents en Asie ou en Russie, de ses capacités dans la gestion des crises internationales s’avère d’autant plus indispensable que la culture Otanienne est une culture presque exclusivement militaire, ce qui rend l’OTAN moins à même de les résoudre. Ce type de crise demande en effet une approche globale, civilo-militaire dans laquelle les aspects juridiques, administratifs, logistiques ou humanitaires sont aussi fondamentaux que les capacités strictement militaires.
Dans cette relation UE-OTAN dans la résolution des crises, une répartition des taches qui est parfois avancée par les Etats-Unis, ce serait celle qui consisterait à confier les actions de combat à l’OTAN, donc essentiellement aux Etats-Unis, et de donner les missions de retour à la normalité à l’Union Européenne…L’ambition légitime de l’Union Européenne à être un acteur géopolitique majeur dans l’équilibre du monde ne pourrait évidemment pas s’en satisfaire.
C’est dans ce contexte que le Président Sarkozy a estimé nécessaire de faire revenir la France dans la plénitude des instances de l’OTAN ; Toutefois, il y avait mis une condition, c’était celle d’un renforcement significatif de l’Europe de la Défense et du poids de l’Union Européenne en tant que telle, au sein de l’Alliance. La vérité m’oblige à dire, quitte à égratigner quelque peu mon devoir de réserve en tant que Général en 2ème section, que, pour l’instant tout au moins, l’enjeu du pari est loin d’être gagné…, sauf à voir le général Abrial , qui exerce à Norfolk le commandement de l’Etat-major allié en charge de la réflexion stratégique, obtenir des américains, mais aussi, voire surtout, des pays européens membres de l’OTAN, une remise en cause profonde de la politique atlantique et du processus décisionnel en vigueur au sein de l’alliance.
Pour finir, quelques mots sur l’ONU. Il est clair dans le contexte du concert international, toute action militaire menée dans le cadre d’une organisation internationale, que cela soit l’OTAN, l’Union Européenne, ou tout autre acteur, que de telles actions ne peuvent se mener que sous mandat des Nations Unies ; C’est de l’ONU qu’elles tiennent leur légitimité. D’où l’intérêt qu’il y a pour la France à conserver son siège de membre permanent du Conseil de Sécurité. Mais d’où également la difficulté à faire évoluer cette institution, qui est encore structurée et régie par l’héritage de la 2ème guerre mondiale. Le G8 s’est récemment élargi en G 20. Qu’en sera-t-il de l’ONU à plus ou moins long terme ? Comment ne pas donner la place qui devrait revenir à des acteurs géopolitiques de premier plan comme l’Allemagne, le Japon ou l’Inde et le Brésil, ou encore à l’Afrique comme le Président Sarkozy l’a évoqué récemment au sommet de la francophonie de Montreux? Comment ne pas donner à l’Union Européenne au sein de cet organisme le poids qui correspond à son ambition géostratégique, ce qui a été encore refusé récemment aux personnalités des instances dirigeantes de l’Union européenne ? Vaste question, encore sans réponse…
En fait, les organisations internationales qui ont peu ou prou, de par la volonté des Etats qui les constituent, la responsabilité de faire respecter un certain ordre international et de maintenir l’équilibre géopolitique de la planète restent bien inadaptées aux défis du 21ème siècle. Ne serait-ce que sur notre continent dans les rapports de l’Union Européenne avec la Fédération de Russie, qui est un acteur majeur dans la sécurité du continent et qui propose du reste de reconstruire un partenariat stratégique sur des bases nouvelles et non pas sur l’héritage d’un passé révolu. Les Etats-Unis ne veulent pas entendre parler de la moindre remise en cause de la légitimité de l’Alliance atlantique et cela bloque totalement l’évolution des rapports avec notre grand voisin russe, encore qu’une amorce de virage ait été prise récemment par le Président Sarkozy et la Chancelière Angela Merkel lors de la rencontre de Deauville.
Alors que conclure ? Il est bien difficile de prévoir ce que sera le 21ème siècle, comment évolueront les rapports entre la dizaine de pôles de puissance sur lesquelles reposera l’équilibre géostratégique de la planète ou qui, à l’inverse, pourraient être la cause de déséquilibres dangereux pour la paix mondiale. Tout au plus peut-on faire des hypothèses et se prémunir face à des scénarios plausibles. Tous les jours, que cela soit au Proche et Moyen Orient, que cela soit dans le sous-continent Indo-Pakhistano-Afghan, que cela soit dans la difficile coexistence entre la Chine, Taïwan, le Japon, les Corées du Nord et du Sud, ou enfin que cela soit dans l’immense diversité du continent africain, nous assistons à des heurts et des menaces qui pourraient rapidement dériver vers un embrasement général de la planète. Notre monde est dangereux, en fait beaucoup plus instable qu’il ne l’a été pendant les 50 ans de la guerre froide.
Il est de la responsabilité des politiques de prévoir les grandes orientations pour l’avenir du pays, et notamment dans le domaine de sa défense et de sa sécurité, et l’on est là bien loin des soucis électoraux à court terme qui semblent régir la vie de nos démocraties. Il revient aux diplomates de créer le climat propice à l’harmonie des relations internationales et de prévenir par la négociation les causes possibles de heurts et de conflits entre les Etats. Et cette diplomatie devra, pour notre pays comme pour tous nos partenaires européens qui ont encore l’ambition de jouer un rôle dans le monde – je pense notamment à la Grande-Bretagne – s’insérer de plus en plus dans le cadre plus large d’une diplomatie Européenne encore balbutiante. Il est enfin de la responsabilité des militaires d’éclairer le pouvoir sur les menaces et les risques portant sur le pays, de proposer les systèmes de défense appropriés pour y faire face et d’être en mesure de les mettre en œuvre en cas de besoin.
Mais c’est aussi et c’est surtout au citoyen d’en comprendre la nécessité et d’accepter d’en payer la facture, celle d’une assurance-vie, dont on sait qu’elle ne sera malgré tout jamais l’alpha et l’oméga de la paix mondiale. Je conclurai donc en reprenant une formule célèbre qu’il nous faut bien méditer et ceci aussi bien en France que chez tous nos partenaires européens qui se réclament de l’Etat de droit: « La force sans le droit, cela conduit à une impasse, mais le droit sans la force, c’est une utopie ».