Communiqué du Cercle Richelieu Senghor :
Le Prix Richelieu Senghor 2022 a été décerné le mardi 6 décembre 2022 à Madame Roukiatou Hampâté BÂ (Côte d’Ivoire), pour son action à la tête de la Fondation Amadou Hampâté Bâ d’Abidjan en faveur de la sauvegarde et valorisation du patrimoine oral africain, recueilli et transcrit en langue française.
Le jury a tenu à récompenser son engagement : soucieuse de la précarité des supports et des conditions de conservation de l’abondante production intellectuelle et du volumineux fonds documentaire légués par son illustre père à l’Afrique et au monde, elle verse toute son énergie dans la mission fondamentale de sauvegarde, de valorisation et de transmission de ce patrimoine d’une valeur culturelle et scientifique inestimable, à travers la Fondation mise en place en sa mémoire. Poète, écrivain, ethnologue, Amadou Hampâté Bâ s’est battu dans les années 1960 pour faire reconnaître les traditions orales africaines comme partie intégrante du patrimoine culturel de l’humanité.
Après proclamation des résultats par Madame Imma TOR, conseillère au Cabinet de la Secrétaire générale de la Francophonie, le prix a été remis à la lauréate par SE Monsieur Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de la République de Maurice et Président du Groupe des Ambassadeurs francophones en France, au cours d’une cérémonie à laquelle ont pris part SE Monsieur Maurice Kouakou BANDAMAN, Ambassadeur de la République de Côte d’Ivoire, SE Madame BAKAYOKO-LY Ramata, Ambassadeur, Déléguée Permanente de la République de Côte d’Ivoire auprès de l’UNESCO, Madame Elisabeth MORENO, ancienne ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances, Madame Claire DERONZIER, Déléguée du Québec aux Affaires francophones et multilatérales, Monsieur Hervé BARRAQUAND, directeur de Cabinet de la Secrétaire générale de la Francophonie, et Messieurs les Sénateurs Yan CHANTREL et Mickaël VALLET, devant les membres et amis du Cercle Richelieu Senghor réunis au Palais du Luxembourg.
Deux anciens lauréats avaient tenu à prendre part à la cérémonie : Monsieur Jan NOWAK (2018) et Monsieur le Sénateur Mickaël VALLET (2019).
Attribué pour la première fois en 1987, le Prix Richelieu Senghor distingue des personnalités dont l’action contribue de façon exceptionnelle au rayonnement de la langue française et de la francophonie.
Présentation d’Alban Bogeat :
« Excellence, Monsieur l’Ambassadeur de la République de Maurice et Président du Groupe des ambassadeurs francophones de France,
Excellence, Monsieur l’Ambassadeur de la République de Côte d’Ivoire,
Excellence, Madame l’Ambassadeur, Déléguée Permanente de la Côte d’Ivoire auprès de l’UNESCO,
Madame la Déléguée du Québec aux Affaires francophones et multilatérales,
Monsieur le Directeur de Cabinet de la Secrétaire générale de la Francophonie,
Monsieur le Sénateur de la Charente maritime,
Monsieur le Sénateur des Français de l’étranger,
Chers Membres du Cercle Richelieu Senghor,
Chers Amis du Cercle,
Je suis ravi de vous accueillir pour cette soirée du Prix Richelieu Senghor qui nous réunit autour de notre invitée d’honneur Madame Roukiatou Hampâté BÂ, Directrice générale de la Fondation Amadou Hampâté Bâ d’Abidjan.
Je voudrais saluer la présence de Madame Elisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances, qui nous fait l’honneur d’être avec nous ce soir.
Pour commencer, pour celles et ceux qui nous rejoignent aujourd’hui, je voudrais comme de coutume présenter brièvement le Cercle Richelieu Senghor :
Le Cercle est un lieu d’échange et de réflexion sur la francophonie et le dialogue des cultures.
Il est accrédité auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie en tant qu’ONG partenaire.
Le Cercle a été créé en 1971, c’était une émanation des clubs Richelieu du Canada, à vocation caritative. En 1984, Léopold Sédar Senghor (devenu académicien) lui a accordé son parrainage, après quoi il a pris le nom de Cercle Richelieu-Senghor de Paris.
Le Cercle s’emploie à porter les valeurs de solidarité, d’humanisme et d’universalité chères à Léopold Sédar Senghor et aux Pères fondateurs de la Francophonie.
Je m’attache à ce que le Cercle reflète la francophonie des cinq continents, mette en lumière ses enjeux, notamment économiques, et soit un espace de rencontre, de mise en réseau, au service de la francophonie.
Le temps fort de l’année, c’est la remise du Prix, en décembre.
C’est pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui, et je souhaiterais maintenant appeler près de moi les membres du comité du Prix :
Madame Imma Tor, Conseillère au Cabinet de la Secrétaire générale de la Francophonie.
M. Ivan Kabacoff, journaliste à TV5 Monde, excusé ce soir, car en reportage pour son émission Destination Francophonie.
M. Guy Lavorel, président honoraire de l’université de Lyon3, qui représente l’Institut international pour la Francophonie de Lyon.
Je voudrais aussi souligner la présence ce soir de deux anciens lauréats, que je vais appeler à nous rejoindre:
Le lauréat 2018 M. Jan Nowak, engagé dans la promotion de la langue française par le théâtre et qui est venu de Pologne pour participer à notre soirée,
et le lauréat 2019, M. Mickaël Vallet qui a été élu depuis sénateur de la Charente maritime et poursuit depuis le Sénat son action en faveur de la langue française.
Merci à tous deux d’être avec nous ce soir.
Présenter Mme Imma TOR et lui donner la parole pour la présentation des modalités du Prix et la lecture des résultats
(la parole à Mme Imma TOR)
Prier Madame Roukiatou Hampâté BÂ d’approcher du micro
Inviter au micro SE M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de la République de Maurice
Excellence, Monsieur l’Ambassadeur
Je vous remercie vivement d’avoir accepté notre invitation ce soir, pour remettre le Prix RS à notre lauréate en vos qualités de Président du Groupe des ambassadeurs francophones de France,
(la parole à M. Vijayen VALAYDON)
Merci Excellence,
(La parole à la lauréate pour remerciements)
Je vous propose de rejoindre vos places
Je vais maintenant prier SE Monsieur Maurice Kouakou BANDAMAN, Ambassadeur de la République de Côte d’Ivoire, de bien vouloir prendre la parole pour une courte allocution…
(présentation de M. Maurice Kouakou BANDAMAN)
Merci, Excellence,
Je vais maintenant prier SE Madame BAKAYOKO-LY Ramata, Ambassadeur, Déléguée Permanente de la République de Côte d’Ivoire auprès de l’UNESCO, de bien vouloir s’approcher du micro pour une courte allocution…
(présentation de Mme BAKAYOKO-LY Ramata)
Merci, Excellence,
Je saisis l’occasion pour remercier mes collègues du comité du Prix pour leur aimable coopération qui fait émerger chaque année des personnalités faisant honneur à la francophonie.
Tout à l’heure je présenterai notre lauréate, Mme Roukiatou Hampâté BÂ avant de lui donner la parole, mais pour l’heure je vous laisse à vos échanges que je souhaite chaleureux et enrichissants. »
Intervention de Mme Roukiatou Hampâté BÂ :
Amadou HAMPÂTE BÂ a œuvré toute sa vie pour écouter, recueillir et transcrire en différentes langues, dont le français, l’histoire, les savoirs et les milles facettes de la culture africaine, principalement celle de l’Afrique de l’ouest, en faveur de leur rayonnement en Afrique et dans le monde. Cet apport inestimable au patrimoine immatériel de l’humanité, a été enrichi par sa production conséquente d’ouvrages de création de différente nature, scientifique, poétique, romans initiatiques ou œuvres philosophiques et sa contribution à d’innombrables conférences, rencontres et plaidoyers dont le socle repose sur des millénaires de sagesse et de traditions africaines affinées au fil des siècles.
Amadou HAMPÂTE BÂ a tout au long de sa vie eu pour ligne directrice, la compréhension mutuelle, le respect et l’amitié entre les peuples.
Un discours émouvant, en forme de vibrant plaidoyer pour la paix entre les peuples
Dans son discours sensible et bouleversant, riche en rebondissements, prononcé pour remercier le Cercle pour l’attribution du Prix Richelieu Senghor, Roukiatou HAMPÂTE BÂ a amené l’auditoire à se mettre dans les pas de son père Amadou HAMPÂTE BÂ, afin de comprendre son parcours « du dedans », un parcours qui n’est pas nécessairement parti sur le bon pied, mais qui nous édifie quant à la façon unique dont HAMPÂTE BÂ tout au long de sa vie, a su transformer les adversités en opportunités, adversités devenant souvent par elles-mêmes, de prodigieux outils au service de son œuvre future.
Amadou HAMPÂTE BÂ est né en 1900 à Bandiagara, en pays Dogon, dont l’origine serait de Bandia « calebasse » et gara « grande » ou « grande écuelle », ou encore « vase creux ». C’est alors l’endroit où viennent paître et se repaître les éléphants et autres grands mammifères africains.
Très tôt orphelin de père, le jeune Amadou est baigné dans un univers où il n’y ni frontière ni barrière entre l’homme et la nature. L’homme, élément de cette nature, est stimulé d’une part par la nature qui éveille ses sens et d’autre part, par le foisonnement d’un lieu, Bandiagara, où les contes arrivent des quatre coins de cette Afrique de l’ouest amenés par nombre de traditionalistes. Les traditionalistes sont les professeurs et leurs contes sont « pédagogie et didactiques en soi » et adaptés à la lumière de l’entendement de l’auditoire. Le jeune Amadou s’imprègne aussi dans ce berceau des rites et des initiations qui bordent les grandes étapes de la vie, pour former ce tout qu’est l’homme en lui apportant une vision particulière et ancrée du monde.
Amadou HAMPÂTE BÂ commence ainsi à Bandiagara, au travers de ses expériences physiques et spirituelles, à constituer lentement et avec amour sa bibliothèque intérieure, collectionnant petits et grands récits.
Son destin bascule lorsque sa mère épouse en seconde noces un « Chef de province » qui va amener Amadou HAMPÂTE BÂ au statut de « fils de Chef ». Loin d’être un avantage, ce statut conduit ces enfants à être réquisitionnés de force par l’administration coloniale pour aller à l’école occidentale, qualifiée par les populations africaines « d’école des otages », qualificatif peu amène, matérialisant la réticence des parents. Malgré cela, Tierno Bokar celui qui deviendra le maître spirituel d’Amadou HAMPÂTE BÂ, incite sa maman à laisser le jeune Amadou HAMPATE BA à aller à « l’école des blancs » parce que « la connaissance des choses vaut mieux que son ignorance ».
Amadou HAMPÂTE BÂ se saisit de cette possibilité et de « l’outil » qu’offre la lecture et l’écriture du français pour coucher sur le papier tout l’univers qui peuple alors son esprit.
Amadou HAMPÂTE BÂ se rend rapidement compte que les ancêtres n’ont pas eu ce formidable outil de transmission qu’est l’écriture et qu’est le français ; utiliser l’outil du français devient pour Amadou HAMPÂTE BÂ un « projet de vie », et de cette façon, il devient l’incarnation, le pionnier et le père de la francophonie.
Pour Amadou HAMPÂTE BÂ, l’écrit n’est pas qu’un écrit, c’est surtout un moyen d’apposer de l’oralité sur du papier, une apposition qui garde intact le génie de la langue Peule et qui la préserve pour qu’elle soit prête « à être dite » et se répandre par la multiplicité des lecteurs et des orateurs.
Amadou HAMPÂTE BÂ pense en Peul ; sa structure mentale est Peule et elle se double du français qui devient son instrument de transmission.
En faisant cela, Amadou HAMPÂTE BÂ a enrichi la langue française, y apportant une nouvelle manière de conter où l’on voit des images et des paraboles se mêler pour prendre forme en une synthèse nouvelle et unique.
Arrivé au certificat d’étude, sa mère considère qu’Amadou a assez étudié. Elle refuse qu’il soit transféré à Gorée pour poursuivre son cursus, considérant qu’il doit maintenant « devenir un vrai Peul ». En retour, l’administration coloniale qui refuse ce refus, va le punir en l’envoyant à Ouagadougou au Burkina Faso comme « écrivain temporaire à titre précaire et révocable », c’est-à-dire tout au bas de l’échelle de l’administration.
Cette punition, Amadou HAMPÂTE BÂ va à nouveau la transformer en opportunité. Elle lui permet au contact du peuple dont il parle plusieurs langues, dont le Moré des Moosis, de poursuivre et d’approfondir son travail de recueil et de structuration des récits, en se rapprochant de tous les milieux traditionnels burkinabés pour s’imprégner des cultures et en recueillir et sauver un maximum.
Plus tard, la rencontre de Théodore MONOD par HAMPÂTE BÂ va être décisive. Elle lui apporte la méthode scientifique comme instrument pour systématiser sa démarche et parfaire sa production. Théodore MONOD l’aide également à dépasser nombre de tracasseries que lui inflige l’administration coloniale du fait de son appartenance à la tradition Soufie, considérée comme anti-française.
HAMPÂTE BÂ a ensuite la chance d’intégrer l’IFAN (Institut français d’Afrique Noire) et grâce encore à Théodore MONOD, de décrocher une bourse de l’UNESCO pour venir en France (bourse attribuées aux jeunes possédant leur culture traditionnelle, n’ayant jamais séjourné en France ni poursuivi d’études poussées comme ce fut le cas d’HAMPÂTE BÂ). Il arrive en France comme « une bouteille pleine » que l’on ne peut plus remplir nous dit sa fille, mais à laquelle on peut « apporter un peu de couleurs ».
Libre en France de ses mouvements, les couleurs d’Amadou HAMPÂTE BÂ vont être les livres et surtout les rencontres qui vont nourrir son esprit et enrichir sa vision. En France, Amadou HAMPÂTE BÂ se rend rapidement compte que, vu du Nord ou vécu au Sud, les récits sur l’Afrique divergent fortement ; beaucoup d’occidentaux sont induits en erreur soit par manque d’intérêt profond pour l’Afrique ou les africains ou bien par manque de proximité avec la vie et le quotidien des africains. Ainsi, de mêmes faits sont interprétés différemment, et cette divergence est source d’incompréhensions, de frustrations, voire de conflits larvés ou patents. Ce fossé entre le Nord et le Sud, va convaincre Amadou HAMPÂTE BÂ que l’on ne peut comprendre l’autre qu’en étant dans sa peau, une autre concept source qui formera l’ossature de nombre de ses travaux.
Roukiatou HAMPÂTE BÂ poursuit son discours en nous faisant naviguer sur cette ligne de crête entre récit historique et témoignage d’une fille profondément habitée par la conscience d’Amadou HAMPÂTE BÂ.
Se déroule ainsi et sous nos yeux émerveillés cette description de l’incroyable chemin qui amène l’enfant de Bandiagara à l’UNESCO où il va plaider vigoureusement en faveur d’une réécriture de l’histoire de l’Afrique par les africains et, pour convaincre de cette absolue nécessité, il n’hésite pas à s’appuyer sur un de ses chers proverbes pour la faire sentir « quand une chèvre est présente, il est ridicule de bêler à sa place ».
Il est notable qu’Amadou HAMPÂTE BÂ a pris pour habitude à l’UNESCO, dont il rejoint le conseil exécutif de 1962 à 1970, de s’exprimer pour se faire comprendre en usant du conte. La valeur symbolique du conte, au sens où il nous unit, et sa portée qui traverse les continents, fait qu’Amadou HAMPÂTE BÂ devient rapidement une figure de référence, celle du sage africain appelé pour apaiser, prévenir ou éteindre des conflits.
Il aura aussi été à cette tribune et avec la même force, le premier à attirer l’attention mondiale sur la situation de péril de la tradition orale africaine qui est une partie essentielle du « patrimoine immatériel » de l’humanité, plaidant avec vigueur pour une meilleure compréhension de la culture africaine qui n’est ni un exotisme ni un folklore, mais bien le véhicule d’une philosophie multimillénaire profonde.
Roukiatou HAMPÂTE BÂ témoigne encore que son père avait ses racines en Afrique, des racines vivantes et fortes, tout en étant francophone et francophile.
Ce long, minutieux et patient travail a valu à Amadou HAMPÂTE BÂ de nombreuses distinctions venant du monde entier ; la France pour sa part, lui ayant discerné 8 médailles et distinctions dont la Légion d’Honneur, le grade de Chevalier des Arts et des Lettres, etc…
On sent, au travers des mots justes et tranquilles de sa fille Roukiatou, qu’Amadou HAMPÂTE BÂ était « un amoureux de la langue française » et quand bien même il ne doit ni à la France, ni à la langue française sa tradition et sa culture africaine, il doit à la France ce précieux outil qu’est la langue et l’écrit du français, qui lui a permis de mettre « noir sur blanc » une pensée dont le support n’était qu’oralité et qui était clairement vouée à disparaitre avec son propre départ.
En cohérence avec cela, se sentant proche du terme, Amadou HAMPÂTE BÂ exprime le vœu de voir se perpétuer la diffusion de son œuvre et de ses messages de portée universelle.
Ainsi, Hélène ECKMAN, son exécutrice testamentaire littéraire, a commencé ce travail de sauvegarde du fonds documentaire Amadou HAMPÂTE BÂ, travail que Roukiatou va structurer et amplifier en créant la fondation Amadou HAMPÂTE BÂ pour lui donner une dimension plus large.
Alliant les mouvements de son être aux mouvements de son âme, Roukiatou HAMPÂTE BÂ nous transporte encore en soulignant qu’il faut avoir des rêves dans la vie, des rêves fondés sur des raisons valables et d’intérêt général.
Son rêve nous dit-elle a été de démarrer, parce que le moment était venu, la Fondation Amadou HAMPÂTE BÂ. Une mission pour laquelle j’ai reçu la bénédiction de ma famille et de nombreux soutiens.
Mise en place en 2002, la Fondation devient en 2013 une Fondation d’utilité publique en Côte-d’Ivoire et elle reçoit en 2019 l’appui de l’UNESCO grâce au soutien de sa directrice générale, Madame Audrey AZOULAY. Très récemment les coréens ont décidé d’accompagner la sauvegarde du Fonds Amadou HAMPÂTE BÂ.
Ma mission à la fondation est de contribuer à la sauvegarde des documents et inédits d’Amadou HAMPÂTE BÂ, et de transmettre aux jeunes générations son vécu d’HAMPÂTE, un vécu qu’il est si nécessaire d’approcher et de connaitre dans le monde contemporain traversé par de multiples crises identitaires et morales sources de malaise profond. Dans ce contexte, Amadou HAMPÂTE BÂ est l’incarnation d’un message qui allie un profond humanisme, le dialogue et l’ouverture à l’autre comme une richesse de l’âme.
Par le parcours d’Amadou HAMPÂTE BÂ, la Fondation porte aussi et en soi un message d’amitié entre le Mali et la Côte Ivoire entre l’Afrique et la France et de façon constante un message universel pour l’amitié entre les peuples qui sont appelés à s’unir dans une nécessaire atmosphère de symbiose, d’union des êtres et des âmes, afin qu’ils se connaissent mieux pour mieux connaitre l’autre, au-delà de nos différences et de nos couleurs pour un monde en paix.
Roukiatou HAMPÂTE BÂ termine son allocution en remerciant toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la création de la Fondation et à la faire vivre. Une Fondation aujourd’hui source et lumière qui nous irrigue nous dit-elle.
(propos retranscrits par M. Patrick Curmi, Président de l’Université d’Évry-val-d’Essonne)
Biographie de Mme Roukiatou Hampâté BÂ :
Fille cadette d’Amadou Hampâté BÂ, Roukiatou est née le 22 Janvier 1967 à Bamako
(MALI). Elle fit son enfance à Abidjan (Côte d’Ivoire). Très liée à son père, qui apprécie
sa curiosité et son potentiel, l’adolescente, fascinée par la parole de sagesse du
Vieux, restera très attentive aux faits et gestes de ce monument qu’elle côtoie, qui
n’a de cesse de cultiver en elle le goût du savoir, surtout celui qui n’est pas dans les
livres, celui qui se transmet par la parole, et qui se racontent dans la tradition orale
par la bouche des anciens.
La jeune Roukiatou, après un séjour en France, entrain de chercher sa propre voie,
cultive son expérience de la vie. Elle rejoint le Canada, où elle effectue des études
de Communication, à l’université d’Ottawa, obtenant un Bachelor, avec une
spécialisation en Communication interpersonnelle et organisationnelle après des
études universitaire en droit.
Dans son parcours universitaire, la jeune fille va redécouvrir la littérature africaine,
plongeant à nouveau dans l’univers de cet autre monde, dont le souvenir paternel,
qui lui inspire une véritable passion. Au décès de son papa, elle est inconsolable.
Soucieuse de la précarité des supports et des conditions de conservation de
l’abondante production intellectuelle et du volumineux fonds documentaire légués
par son illustre père à l’Afrique et au monde, elle verse toute son énergie dans la
mission fondamentale de sauvegarde, de valorisation et de transmission de ce
patrimoine d’une valeur culturelle et scientifique inestimable, à travers la mise en
place, en 2002, d’une Fondation en sa mémoire.
La charge de directrice de la Fondation, qu’elle assume depuis sa création, n’est pas
aisée. Roukiatou BÂ et son équipe restreinte de collaborateurs s’emploient, avec
persévérance, à faire découvrir et redécouvrir l’oeuvre et la pensée d’Amadou
Hampâté BÂ, chantre du dialogue des cultures et de la paix universelle. Elle bénéficie
de l’appui moral, matériel et financier, d’abord des autorités ivoiriennes, qui ont
accordé à l’institution la reconnaissance d’utilité publique, et d’un vaste réseau
d’amitié et de sympathie en Afrique, en Europe et dans des organisations
internationales.
Distinctions : Chevalier de l’Ordre National en Côte d’Ivoire
Officier du Mérite Culturel
Texte de SE Mme BAKAYOKO-LY Ramata :
« Mesdames, Messieurs,
Je voudrais vous adresser mes sincères remerciements pour l’invitation à moi adressée qui me permet de participer à la remise de ce prestigieux prix Richelieu Senghor 2022 attribué à une personnalité de marque, la Directrice de la Fondation Amadou Hampâté Bâ qui n’est rien d’autre que la fille de cet illustre disparu, Madame Roukiatou Hampâté Bâ.
Ainsi, qu’il me soit permis de relever la contribution à la culture générale et à la francophonie en particulier que le Cercle Richelieu ne cesse d’apporter pour le rayonnement du français dans le monde. En effet, l’action du cercle dans la promotion de la francophonie contribue dans une large mesure au dialogue des cultures et à l’ouverture à la diversité culturelle et linguistique. Il s’efforce, par son action, à enrichir la réflexion sur divers sujets autant historiques que d’actualités, en ouvrant, pour ainsi dire, des pistes de solutions en y incluant des personnalités variées sur des thèmes plus ou moins liés à la francophonie sous plusieurs angles géopolitique et stratégique, sociétal, économique, linguistique et culturel.
En décernant ce prix, le Cercle permet de focaliser l’attention sur une personnalité désignée et valoriser son action en lui permettant d’étendre son écho, afin de lui permettre d’avoir le retentissement souhaité dans le monde culturel, francophone, politique et même juridique. Cela permet, dans une mesure certaine, de polariser l’attention des décideurs sur des questions qui n’auraient par forcément mérité de s’y attarder. Depuis ainsi plus de trois décennies, le Cercle Richelieu favorise la distinction de personnalité de tous bords, ministres, ambassadeurs, écrivains, sociologues, médecins, artistes, Institutions, et même des décorations décernées à titre posthume.
Mesdames et Messieurs,
Que dire de la lauréate actuelle qui, au risque de me perdre dans l’énumération des impacts de tous genres générés par son père, se confond à merveille avec son géniteur dans l’apothéose culturelle réalisée par la Fondation qui porte leur nom.
Madame Roukiatou Hampâté Bâ, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a permis de marcher dans le sens de la sauvegarde et de la valorisation du patrimoine oral africain qu’elle a permis de recueillir et de transcrire en langue française, par l’intermédiaire de l’Institution éponyme qu’elle dirige.
Comment arriver à parler de l’un sans l’autre ? Cependant l’histoire nous permet de parler du père pour faire de la fille la couche enrobante des œuvres de son patriarche.
Nous choisissons dans ce court exposé, de relever, entre autres, que le père Hampâté Bâ s’est consacré à des enquêtes ethnologiques et au recueil des traditions orales diverses notamment celles de l’empire peul du Macina, après avoir fondé l’Institut des sciences humaines à Bamako. Il se dédia par ailleurs à la recherche et à l’écriture, et à Abidjan, où il quittera ce monde, il passera son temps à classer ses archives et à rédiger ses mémoires. Il en ressort l’élaboration d’un système unifié pour la transcription des langues africaines.
En définitive, après avoir été Ambassadeur de son pays, le Mali, et distingué à plusieurs reprises, dont le prix de la langue française par l’Académie française (1975) et le grand prix littéraire d’Afrique Noire (1974), la Fondation, qui a pour vocation de préserver ses manuscrits, recherches et archives, Amadou Hampâté Bâ survit à travers sa fille, Roukiatou.
Quoi de plus normal, sommes-nous tentés de dire, que la fille soit ainsi distinguée à travers le père et pour le père !!!
Je termine en disant, comme le soulignait Amadou Hampâté Bâ, selon un vieux maitre d’Afrique, qu’il y a ma vérité et ta vérité, or la vérité se trouve au milieu. Pour s’en approcher, chacun doit se dégager un peu de sa vérité pour faire un pas vers l’autre. Et aujourd’hui, nous faisons un pas vers Roukiatou pour nous approprier un peu de la vérité distillée par la Fondation qui porte leur nom. Je vous remercie. »
Texte de Mme Elisabeth Moreno :
« Le Cercle Richelieu-Senghor célèbre la francophonie depuis plus de 50 ans. Depuis 1987 il distingue des personnalités dont l’action contribue de façon exceptionnelle au rayonnement de la langue française et de la Francophonie.
Cette semaine, le président Alban BOGEAT et toute son équipe ont confié la remise du prix Richelieu Senghor 2022 à l’ambassadeur de Maurice en France, SEM Vijayen Valaydon, après une brillante intervention de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire (oú se trouve la #FondationAmadouHampâtéBâ), SEM. Maurice Kouakou Bandaman.
Madame Roukiatou H. fille du grand Amadou Hampâté Bâ, le “Sage de l’Afrique”, grand défenseur du patrimoine africain -et de ses traditions orales en particulier- a été distinguée pour le travail de mémoire qu’elle effectue depuis presque 30 ans pour honorer les nombreuses œuvres de son père.
Entendre raconter son histoire avec intelligence et passion par sa fille m’a procuré une immense émotion. De celles que l’on ressent pour les personnes que l’on admire et que l’on aurait tant aimé rencontrer.
On lui attribue une citation célèbre concernant la place des aînés dans la transmission “en Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle “ alors qu’il considérait “la mort de chacun de ces traditionalistes comme l’incendie d’un fond culturel non exploité ».
C’est dans Hamkoulell, l’enfant Peul, que j’ai compris pourquoi, en Afrique, et au Cap-Vert notamment, les noms de famille sont si importants et parfois à rallonge; “en Afrique traditionnelle, l’individu est inséparable de sa lignée, qui continue de vivre à travers lui et dont il n’est que le prolongement. C’est pourquoi lorsqu’on veut l’honorer, on le salue en lançant plusieurs fois, non pas son nom personnel (ce que l’on appelle en Europe le prénom) mais le nom de son clan: “Bâ, Bâ” ou “Diallo, Diallo”, car ce n’est pas un individu isolé, que l’on salue, mais à travers lui, toute la lignée de ses ancêtres “.
Il était, entre autres, écrivain, poète, philosophe, ethnologue, conteur, diplomate et homme visionnaire. Quelques temps avant sa mort, il s’adressait à la jeunesse en ces termes:
“à notre époque si grosse de menaces de toutes sortes, les hommes doivent mettre l’accent non plus sur ce qui les sépare, mais sur ce qu’ils ont de commun, dans le respect de l’identité de chacun. La rencontre et l’écoute de l’autre est toujours plus enrichissante, même pour l’épanouissement de sa propre identité, que les conflits ou les discussions stériles pour imposer son propre point de vue ».
Merci chère Roukiatou de continuer à partager son travail, son humanité et son ouverture à l’autre. »