Bernard Dorin était président d’honneur de notre Cercle depuis 1979.
C’était une personnalité éminente de notre pays, un grand ambassadeur ; c’était aussi un homme de conviction qui avait le goût de l’aventure et était présent sur tous les fronts de la francophonie.
A sa sortie de l’ENA, il a choisi le ministère des affaires étrangères. Au début de sa carrière, il a été conseiller diplomatique d’Alain Peyrefitte, qu’il a suivi dans ses différents ministères. A 42 ans, il a été nommé ambassadeur à Haïti. A son retour, il a été choisi pour être le premier chef du service des affaires francophones, poste créé au ministère des affaires étrangères en 1975. Il a été ensuite ambassadeur en Afrique du Sud, puis directeur d’Amérique, ambassadeur au Brésil, au Japon et enfin en Grande Bretagne. Il porte le titre, rare, d’ambassadeur de France.
Haïti a été très important pour lui : iI y a pris conscience les difficultés du développement économique ; il y a découvert également une francophonie vivante et la forte place du créole. Le service des affaires francophones l’a placé au cœur de ce qui était un nouveau projet pour la France et lui a permis d’imaginer des stratégies pour l’avenir.
Mais à côté du diplomate à la brillante carrière, il y a un Bernard Dorin qui a le goût de l’aventure, qui est sensible aux difficultés des minorités, et qui n’hésite pas à prendre des risques.
Son aventure la plus étonnante, c’est sa rencontre avec le peuple kurde qu’il a toujours défendu avec passion et dont il a, pendant quelques temps, partagé la vie.
Une de ses plus belles aventures, c’est d’avoir accompagné le Général de Gaulle au Québec, en 1967, lorsqu’il a lancé le célèbre « Vive le Québec libre ». Bernard Dorin avait contribué à la préparation de ce voyage et en a préparé les conclusions.
La promotion de la francophonie et le soutien aux minorités francophones ont tenu une place importante dans sa vie. Il a joué un rôle important dans la création de la Francophonie institutionnelle en appuyant dès l’origine la participation à part entière du Québec. Il a présidé un grand nombre d’associations liées à la francophonie : France Québec, France-Haïti, France-Wallonie-Bruxelles, Amitiés acadiennes, Amitiés francophones, Avenir de la langue française, et bien d’autres.
Il aimait parler de toutes ses expériences, de ses découvertes, et racontait volontiers des anecdotes. Ses analyses se retrouvaient dans ses conférences, à la maison de l’Europe ou à l’IPSEC, comme dans ses prises de parole, au Cercle.
Il a présidé le cercle Richelieu Senghor de 1976 à 1978 et est demeuré un président d’honneur actif jusqu’aux années très récentes, assistant à presque tous les diners. Il intervenait volontiers dans les colloques ; au cours de celui de 2010, il a raconté avec verve quelques-unes de ses aventure en francophonie que je vous invite à lire dans les actes. Lorsqu’il prenait la parole, il demandait souvent un tableau et un crayon et accompagnait ses interventions de cartes géographiques qu’il dessinait à main levée, pour ma totale admiration ; il connaissait les frontières de la plupart des pays du monde.
Il était très attaché au Cercle et, tout particulièrement, au prix Richelieu Senghor dont il présidait le jury. Il cherchait à honorer des héros parfois méconnus de la francophonie. C’est ainsi qu’Il a tenu à attribuer le prix à Giuliana Meynier, professeur de français et présidente d’une association du Val Pelice, l’une des vallées vaudoises du Piémont où subsiste une minorité francophone. Chaque remise de prix était l’occasion pour lui de prononcer un superbe discours, debout, sans papier.
Il aimait les grands textes français tout comme les chansons populaires. Je me rappelle qu’il a chanté la chanson des canuts à l’un de nos diners. Il admirait par-dessus tout Bossuet et a dit plusieurs fois devant nous des passages d’oraisons funèbres qu’il connaissait par coeur. C’est avec émotion que je voudrais lire quelques lignes de Bossuet à sa mémoire :
Venez voir le peu qui nous reste de tant de grandeur, de tant de gloire; jetez les yeux de toutes parts : voilà tout ce qu’a pu faire la magnificence et la piété pour honorer un héros; des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n’est plus; … et rien, enfin, ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend. Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine, pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros. [1]
Merci, Bernard Dorin, pour ces moments de partage, merci pour tout ce que vous nous avez apporté.
Anne Magnant
Présidente
d’honneur
5
mars 2019
[1] Oraison funèbre du Grand Condé, 1687