Docteur Sami Paul TAWIL, Professeur au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris, Secrétaire Général de la Fédération Internationale Francophone de Psychiatrie
Monsieur le Ministre de la Culture et du Patrimoine historique.
Monsieur l’Ambassadeur de France.
Monsieur le Directeur du Haut Conseil de la francophonie.
Madame la Présidente du Cercle Richelieu Senghor.
Messieurs les Présidents, Chers Amis.
C’est avec un profond plaisir que je me retrouve au Sénégal qui est si loin géographiquement, et si proche affectivement de mes deux pays : le Liban et la France.
Libanais de racines et français de cœur, je me sens en résonance commune avec votre pays à travers la Francophonie
Ce vocable de francophonie est apparu en 1880 sous la plume du géographe Onésime Reclus, (frère d’Elysée Reclus) pour définir « la communauté linguistique et culturelle que la France constituait avec l’Outre-mer ».
Depuis la francophonie s’est largement affranchie de cette connotation exiguë pour désigner deux concepts différents et complémentaires comme le définit le rapport 2004-2005 du Haut Conseil de la Francophonie. « Elle englobe au sens large le processus de promotion de la langue française et du patrimoine qui s’y rattache. »
Au sens institutionnel-on l’écrira alors avec un f majuscule – elle désigne l’organisation internationale qui regroupe les Etats ayant le français en partage ».
« Indépendamment du niveau de la pratique linguistique, la Francophonie incarne une communauté de destin ouverte et tolérante, tournée vers l’action ».
Dans cette acceptation moderne la Francophonie a été conçue en 1970, sous le signe du partage linguistique et culturel. Elle a été voulue par les pays du Sud à la suite de leurs indépendances et il est important de le noter, sans l’intervention de la France.
Cinq grands hommes d’Etat ont collaboré à la naissance de cette Idée pour conserver des liens « qu’une histoire et des références communes avaient créé autour d’une langue » : le Sénégalais Léopold Sédar SENGHOR, le Tunisien Habib BOURGUIBA, le Cambodgien Norodom SIHANOUK, le Nigérien Hamani DIORI, et le Libanais Charles HELOU. Leur projet s’est rapidement étendu avec l’adhésion très rapide de dizaines de nouveaux pays.
Que la langue française ait été le dénominateur commun de cinq personnages aussi différents issus de pays aussi disparates souligne l’universalité de la langue française.
Les fondateurs ont voulu effectivement une organisation à vocation universelle. « La francophonie se veut ouverte sur le monde et sur les peuples et les cultures qui la composent. Loin d’être figée, elle entend réunir, autour d’un patrimoine de fraternité , de tolérance et d’universalité dont la langue française est porteuse, des pays très divers par leur histoire, leur culture et leur niveau de développement. Ses critères d’adhésion ne sont pas, à la différence du Commonwealth, conditionnés par une histoire coloniale commune. Ils n’imposent pas non plus que la langue française soit la langue officielle du pays ».
Sénégal et Liban
Cofondateurs de la francophonie, le Sénégal et le Liban sont des pays proches ne serait ce que par leur diversité culturelle, leur francophonie militante, la présence libanaise importante dans ce pays, et l’amitié fraternelle peu connue de Senghor avec l’ancien Président de la République Libanaise Charles Hélou que j’ai eu le privilège de connaître.
Les destinées de Charles Helou et de Léopold Sedar Senghor se sont croisées à plusieurs reprises dans le domaine de la culture en général, de la poésie, de l’écriture de la francophonie et de la politique en particulier.
Juriste formé chez les jésuites au Liban, journaliste, écrivain, ministre, président de la République, Charles Hélou fut sollicité dès la fin de son mandat, en 1970-1971, par l’Association des Parlementaires de Langue Française pour être membre d’honneur de cette Association.
Deux ans plus tard, l’Association décida, à l’unanimité, de l’élire à la présidence de tous les parlementaires francophones. Ce mandat lui fut renouvelé une demie douzaine de fois. Charles Hélou a exposé avec Léopold Sedar Senghor tout au long de son vivant avec talent et conviction les perspectives de la Francophonie.
A son initiative fut créé l’ordre de la Pléiade, qui assurait des attributions des médailles à des personnalités ayant servi la Francophonie. Les médailles portaient une inscription, issue d’une déclaration du Président Senghor affirmant : « le français brille comme des étoiles au firmament ».
Au cours d’une cérémonie du 14 juillet 1978, Charles Hélou décora le président Giscard d’Estaing à l’Elysée, ainsi que quatre premiers ministres français à Matignon, et d’autres référendaires des pays francophones, à Versailles à la salle des Batailles.
A la même époque, il a été, pendant trois ans, président de l’Agence de Coopération Culturelle Technique et (ACCT) et en 1986, il fut nommé membre du Haut Conseil de la Francophonie qui venait d’être crée par le Président de la République Française.
Il a été à la fois « Pilote et Poète ».
Charles Hélou avait une admiration pour Senghor qui la lui retournait volontiers. Dans une de ses descriptions, il dresse de Senghor le tableau suivant :
« C’est un personnage de La princesse lointaine,… A bord de toute nef que l’orage ballotte,…Il faudrait un poète à coté du pilote. Léopold Sédar Senghor a été, à la fois, pilote et poète. Je veux dire que l’harmonie de ses vers ne lui a rien enlevé de la clairvoyance et de la force qui ont été les siennes dans son pays sénégalais et, aussi, en France comme dans le reste du monde. Qu’est-ce que l’homme d’Etat? Je réponds : un homme de lucidité et de courage. Le dictionnaire présente l’homme d’Etat comme étant une personne initiée à la science du gouvernement ou jouant un des premiers rôles dans l’administration du pays. On compte, hélas, ajoute le dictionnaire, plus de politiciens que d’hommes d’Etat ».
En 1980, après plusieurs mandats présidentiels, Senghor démissionne de la présidence de la République sénégalaise. Il est, un an plus tard, élu président de l’Interafricaine socialiste.
En 1983, il est élu à l’Académie française et y entre avec un discours retentissant, auquel Edgar Faure répond avec une même éloquence. Le 29 mars 1984, il entre à l’Académie et presque en même temps, au Haut Conseil de la Francophonie où il milite entre autre avec Charles Hélou.
En 1988, il publie un remarquable ouvrage, « Ce que je crois » et en 1990, il inaugure à Alexandrie en Egypte l’Université internationale de langue française qui porte son nom : « Université Léopold Sédar Senghor ». Il abandonne le Haut Conseil de la Francophonie dont il était le prestigieux vice-président et accepte d’être président d’honneur de ce Haut Conseil. HOMMAGE AUX LIBANAIS DU SENEGAL
En 1966, il rend une visite au Liban. Il ne manquait jamais une occasion pour rendre hommage aux Libanais installés au Sénégal : « Le Liban disait-il, a joué un très grand rôle, dans l’élaboration de la culture méditerranéenne. Puis, il a le rôle que vous jouez ici dans cette partie du Proche-Orient : vous êtes les plus arabes et en même temps, vous êtes les plus universalistes… »
Lors de sa nomination de « Docteur Honoris causa » à Beyrouth, Senghor affirma : « Votre projet est de redonner, aux Arabes, avec la connaissance et la fierté de leur passé, le goût de l’expansion, mieux de l’approfondissement spirituel … L’Afrique a toujours fait partie de la méditerranée. Vous, Libanais, vous avez fondé, en Afrique, des colonies, dont la plus célèbre fut Carthage et une des plus importante aujourd’hui est la colonie libanaise du Sénégal ».
Hélou pensait profondément que sa rencontre avec Senghor, se nourrissait d’une communauté de vue sur l’homme et sur le monde.
Parlant à Senghor, il affirmait : « Elargies aux dimensions d’un humanisme intégral, comment nos relations ne seraient-elles pas ce qu’elles sont, puisqu’à nos latitudes respectives, nous avons, vous et nous, assez de clairvoyance et de tendresse pour admirer et pour aimer ce que vous appelez l’arc-en-ciel des visages neufs de nos frères. Nous avons écouté avec admiration les messages par lesquels vous invitez vos compatriotes musulmans et chrétiens à fonder leur indépendance et leur unité sur leur foi commune en un Dieu unique ».
Le Liban au carrefour de tous les appels
La coéxistence des Chrétiens et des Musulmans était au cœur de l’action de Hélou et de Senghor.
Le président Senghor avait une admiration particulière pour la mosaïque culturelle libanaise. Il décrivait poétiquement le Liban comme « tour à tour, doucement ou violemment sollicité par le désert et la montagne, par la montagne et la plaine, par la plaine et la mer, par le marin et le commerçant, par la paysan et le pasteur, par le poète et le philosophe, par le Christianisme et l’Islam… Comment le Liban n’aurait-il pas choisi de rester lui-même ? De rester au carrefour de tous les appels et de répondre en même temps, à tous : pour partir à la conquête de toutes les richesses du monde ».
Le Président Hélou retrouva le président Senghor six ans après, à Dakar. Il avait terminé son mandat présidentiel, devenant président de l’Association Internationale des Parlementaires de Langue Française. Le président Senghor l’accueillit en même temps que ses collègues, en leur disant dans un brillant discours : « l’Europe tente de réaliser son unité sur la base d’une communauté économique fondée sur la complémentarité de ses cultures et la mise en commun de ses ressources matérielles comme de ses inventions techniques. L’Afrique rassemble, du Nord au Sud, les énergies créatrices de ces peuples pour sortir, progressivement d’un état de sous-développement qui, pendant plusieurs siècles, a ralenti sa marche vers le progrès. L’Amérique et l’Asie, très précisément les U.S.A, l’U.R.S.S. et la Chine, prenant enfin conscience des méfaits de la guerre, chaude ou froide, amorcent un rapprochement positif malgré les soubresauts actuels en Indochine et au Moyen-Orient… »
A cette occasion a germé l’idée d’une Union culturelle arabe, africaine et antillaise avec comme axe directionnel la francophonie du Liban de Charles Hélou, la francophonie de l’Afrique de Senghor et celle des Antilles d’Aimé Césaire.
Le français, « Langue des dieux »
Depuis les « Chants d’Ombre » aux « Hosties noires », depuis les « Ethiopiques » aux « Nocturnes » depuis « La première liberté » jusqu’à « la cinquième », Hélou lut et relut tout Senghor. Surtout ses premiers recueils, sur la négritude et l’humanisme, où le président Senghor écrivait : « la négritude est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir…pour le présenter au monde comme pierre d’angle dans l’édification de la civilisation de l’universel… » .
Lors d’une visite à Beyrouth Senghor avait accepté de publier, avec Hélou, un communiqué commun sur la guerre du Liban. Hélou confiait : « Nous étions pleinement d’accord sur le texte, nous n’avions pas de problème sauf sur celui du nombre et de l’emplacement des virgules (oui des virgules !!), le président Senghor leur donnait une importance majeure ».
En fait Senghor, en éminent grammairien, avait un respect obsessionnel du français dont il disait: « Je sais ses ressources pour l’avoir goûté, mâché, enseigné et qu’il est la langue des dieux…le français, ce sont les grandes orgues, qui se prêtent à tous les timbres, à tous les effets, des douceurs les plus suaves aux fulgurances de l’orage. Il est, tour à tour ou en même temps, flûte, hautbois, trompette, tam-tam et même canon… ».
La Francophonie au Liban : Humanisme et dialogues des cultures. Sommet de Beyrouth 2006.
Ce sont essentiellement l’humanisme et le dialogue des cultures qui sont les dénominateurs communs de la Francophonie.
Composé de 17 communautés religieuses, le thème du 9e Sommet de la Francophonie au Liban ne pouvait pas porter d’autre thème que celui du « Dialogue des Cultures ».
Initialement prévu en octobre 2001, ce Sommet a été reporté d’un an, suite aux attentats du 11 septembre. La capitale libanaise l’a ainsi différé et a accueilli du 18 au 20 octobre 2002 cette grande manifestation des pays qui ont le français en partage. Le Sommet a été précédé, le 16 octobre, par la Conférence ministérielle de la Francophonie à Lausanne.
Les délibérations ont été axées sur les relations transculturelles, thème important s’il en est, à l’heure où le « village mondial » se « globalise » qu’il opère une profonde mutation, et où l’antagonisme de la guerre froide Est-Ouest semble céder la place à une confrontation entre les civilisations d’Orient et civilisations d’Occident.
Comme le dit Toufic Abi Chakar : « Rien d’étonnant que le Liban ait choisi ce thème. Le dialogue des cultures a une résonance toute particulière au pays du Cèdre : creuset de civilisation, terre de refuge, le Liban s’était fait le champion de la cohabitation entre religions, langues et cultures. Il en a tiré sa prospérité d’antan ainsi que sa grande ouverture sur le monde musulman et le monde occidental, mais il a aussi payé par une descente aux enfers le prix de sa différence ». En effet Arméniens, Kurdes, Syriens, Egyptiens, Jordaniens, Irakiens, Palestiniens avaient trouvé à Beyrouth la seule capitale où l’opposition du Moyen Orient pouvait s’exprimer.
Ce sommet a été marquant à plus d’un titre. Pour la première fois, les chefs d’Etats et de gouvernement ayant le français en partage se sont réunis dans un Etat du monde arabe.
Autre événement historique : la présence du président algérien Abdelaziz Bouteflika.
L’Algérie a ainsi participé pour la première fois à un sommet francophone alors qu’elle n’a ni le statut de membre ni celui d’observateur. Après confirmation de la venue du président Bouteflika, quelques jours avant l’ouverture du sommet, le président de la République française Jacques Chirac a déclaré : « L’Algérie est chez elle dans la francophonie même si elle n’a pas rejoint l’organisation. »
Beyrouth fut aussi l’occasion de confirmer une orientation plus politique de la Francophonie. La conjoncture internationale a, en effet, permis aux 55 chefs d’Etat et de gouvernements présents de se prononcer sur les questions d’ordre purement politique. A ce sujet, une innovation a été apportée avec une séance de débats à huis clos consacrée à la situation internationale.
Enfin et c’est là qu’il y a souvent eu une résonance entre Dakar et Beyrouth dans les grands moments de la Francophonie, les chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Beyrouth devaient désigner le successeur de l’Egyptien Boutros Boutros-Ghali, au poste de secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Le Sénégalais Abdou Diouf fut élu à l’unanimité le 20 octobre 2002 et a affirmé qu’il acceptait ce poste pour poursuivre l’œuvre de Senghor.
Dakar et Beyrouth resteront comme des dates cruciales dans le cadre des Sommets de la Francophonie.
Dakar (Sénégal, 24-26 mai 1989) : la France renonce au remboursement de la dette publique de 35 pays d’Afrique. Les chefs d’Etat et de gouvernement décident de mettre sur pied un champ de coopération juridique et judiciaire…
Beyrouth (Liban, 20-22 octobre 2002) : le rôle majeur du dialogue des cultures comme instrument de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme est réaffirmé ainsi qu’une politisation de la Francophonie.
La Francophonie, un choix affirmé
Cela fait plusieurs siècles que le français a une présence structurelle au Liban. C’est un fait de culture et un choix de société. L’enseignement du français a été introduit au Liban par différentes missions religieuses catholiques (Jésuites, Lazaristes, Franciscains et Capucins), protestantes (Collège protestant Français) ainsi que des missions laïques françaises (Lycée Français de Beyrouth).
Plusieurs missions ont fondé, à partir du 17e siècle et tout au long des siècles suivants, un grand nombre d’écoles, puis des universités, ouvertes à tous les Libanais et où l’enseignement se donnait en français et en arabe. L’ouverture du Liban s’est faite vers le monde entier. Il n’existe pas une partie du monde où un Libanais ne se soit installé. A Sao Paolo qui est la 1ère ville libanaise du monde mais aussi à Détroit, à New York, à Paris, à Abidjan, à Dakar, à Sydney… Ainsi l’ouverture du Liban sur l’Occident ne s’est pas limitée à la France. L’Italie- depuis la fondation par le Pape Grégoire XIII du Collège maronite de Rome, en 1584, et le séjour de l’Emir Fakhr Eddine II à la cour des Médicis (1613-1618) – était également devenue un grand pôle d’attraction culturelle et artistique.
Néanmoins, de tous les pays occidentaux, c’est bien avec la France que le Liban a tissé à tous les niveaux le plus de liens à travers son histoire contemporaine, ce qui en fait le point d’ancrage de la francophonie. Le bilinguisme de l’enseignement, de la maternelle à la terminale, a toujours été la règle au Liban, aussi bien dans les écoles publiques que dans les écoles privées. L’apprentissage d’une troisième langue commence à partir de l’âge de 10 ans environ. Ce qui est intéressant à relever c’est qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne détermine le choix de la deuxième langue qui, à côté de l’arabe, doit ainsi être enseignée. Or, le choix de plus de 73% de la population scolaire se porte sur le français, ce qui permet de penser que la francophonie au Liban est un choix et une tradition plutôt qu’une obligation.
De l’ouvrage de Katia Haddad « Anatomie de la francophonie libanaise, » paru en 1993 dans la collection Prospectives francophones de l’AUPELF/UREF, il ressort que le français n’est pas l’apanage d’une classe sociale privilégiée (plus de 80% des professions libérales et des cadres moyens et supérieurs ont une bonne maîtrise du français, mais ce pourcentage reste supérieur à 60% parmi les salariés) ni le propre des seuls chrétiens ( le français enregistre une progression significative parmi la population chiite), et ce, contrairement à ce que l’on a tendance à croire.
Il existe 1645 écoles publiques et privées qui enseignent le français au Liban. En outre, sur une quarantaine d’établissements scolaires français (ou homologués par la France) dans tout le Moyen-Orient, 25 se trouvent au Liban, dont le collège Saint-Joseph (Antoura), fondé en 1620, qui compte aujourd’hui plus de 3800 élèves, le Collège de Champville 3250 élèves, le Grand Lycée franco-libanais 3000 élèves, Notre-Dame de Jamhour 2800 élèves et Mont-la –Salle 2650 élèves.
Sur une population de quelque 4 millions, le Liban compte 24 établissements d’enseignement supérieur dont 5 sont accréditées par l’AUPELF (Agence Universitaire de la Francophonie), à savoir l’Université libanaise, l’Université St Joseph, l’Université Balamand, l’Université St Esprit Kaslik et l’Université Antonine. L’Ecole Supérieure des Affaires quant à elle est affiliée aux grandes écoles de commerce françaises.
2006 : L’année Senghor au Liban
Des hommages à des personnalités Francophones sont rendus régulièrement comme un hommage a été rendu à Senghor grâce à un partenariat avec l’Université St Joseph et, la Chaire Senghor de la Faculté de Droit.
Plusieurs tables rondes ont été organisées sur « les pères de la Francophonie » avec les personnalités libanaises et étrangères. Des textes choisis de Senghor ont paru dans les journaux en français (L’Orient le Jour) et en arabe (Annahar).
De même que des conférences ont été organisées avec la Fondation Senghor et ont gravité sur les thèmes de :
– Senghor l’homme politique
– Senghor l’esthète
– Senghor l’écrivain
– Senghor et la négritude
Une exposition dans le centre de Beyrouth de peintures murales réalisées par de jeunes peintres libanais, abordant les principaux thèmes humains et culturels chers à Senghor et des manifestations musicales ont accompagné cette exposition animée par des artistes libanais qui ont joué de la musique inspirée de la culture africaine.
Des d’articles en arabe et en français ont été diffusés sur Senghor sur l’homme et l’œuvre, qui a été expliquée et commentée par les enseignants dans les établissements scolaires publics et privés.
Les Orientalistes
Ce n’est pas un hasard si le Liban a tellement investi la France car depuis le Moyen âge, la France s’est beaucoup intéressée au Moyen Orient et au Liban.
On constate un réel intérêt de la France pour le Liban qui date de l’époque des croisades et qui après un long moment de silence a revu le jour durant le XIX siècle alors que l’empire ottoman, « l’Homme Malade de l’Orient » était en train de se disloquer.
On a voyagé au Liban et plus largement en Orient bien avant le XIX siècle. Mais le terme de « voyage en Orient » fut bien inventé au XIX siècle : Chateaubriand passe comme l’initiateur de ces voyages qui deviennent presque un rituel pour les Romantiques.
L’intermédiaire entre les orientalistes et les autochtones était « le drogman ».
Ce terme, qui trouve sa racine dans la langue arabe « targuman », désigne l’interprète dans les pays orientaux. On le retrouve dans le mot français « truchement », qui était souvent employé au XVIIIe siècle avec la même signification. Au XIXe siècle, c’est le terme de drogman qui s’impose dans les récits de voyage en Orient.
Des termes par centaines issus de l’arabe ont enrichi la langue française : Beaucoup parmi ceux qui débute par el ou al : élixir, alambic, alcool, mais aussi abricot (Albarcoque), sirop, sorbet,(Sharab) divan, douane (Diwan) etc…
Concernant les multitudes facettes du Liban, Michaud Joseph François disait dans sa correspondance d’Orient :
« De Tyr à Lattaquié, sur un seul espace de soixante lieues de longueur, que de religions et de mœurs différentes ! Quelle prodigieuse variété de caractères, de physionomies, d’habitude sous combien de formes on prie, on adore Dieu ! Comme ils ont été modifiés, touchés, frappés de diverses manières tous ces peuples nés sous le même ciel, à côté les uns des autres, tous ces flots d’hommes échappés de la même source ! Toutes les doctrines, toutes les opinions… Le Liban est l’expression morale de tout ce qu’a enfanté l’Orient chrétien et musulman ; vous jugerez qu’une telle région mérite d’entrer particulièrement dans les études du voyageur. »
Lamartine quant à lui caressait toujours le rêve de son voyage en Orient.
« De l’amour des choses au désir de voir les lieux où ces choses s’étaient passées, il n’y avait qu’un pas. Je brûlais donc, dès l’âge de huit ans, du désir d’aller visiter ces montagnes où Dieu descendait ; ces désert où les anges venaient montrer à Agar la source cachée, pour ranimer son pauvre enfant banni et mourant de soif ; ces fleuves qui sortaient du Paradis terrestre ; ce ciel où l’on voyait descendre et monter les anges sur l’échelle de Jacob. Ce désir ne s’était jamais éteint en moi : je rêvais toujours depuis, un voyage en Orient, comme un grand acte de ma vie intérieure : je construisais éternellement dans ma pensée une vaste et religieuse épopée dont ces beaux lieux seraient la scène principale ; il me semblait aussi que les doutes de l’esprit, que les perplexités religieuses devaient trouver là leur solution et leur apaisement. Enfin, je devais y puiser des couleurs pour mon poème ; car la vie pour mon esprit fut toujours un grand poème comme pour mon cœur elle fut de l’amour. Dieu, Amour et Poésie, sont les trois mots que je voudrais seuls gravés sur ma pierre, si je mérite jamais une pierre. […] Voila la source de l’idée qui me chasse maintenant vers les rivages de l’Asie.
Voila pourquoi je suis à Marseille et je prends tant de peine pour quitter un pays que j’aime, où j’ai des amis, où quelques pensées fraternelles me pleureront et me suivront. »
En effet, je levai les yeux alors vers le ciel, et je vis la crête blanche et dorée du Sannin, qui planait dans le firmament au-dessus de nous. La brume de la mer m’empêchait de voir sa base et ses flancs. Sa tête seule apparaissait rayonnante et serein dans le bleu du ciel. C’est une des plus magnifiques et des plus douces impressions que j’aie ressenties dans mes longs voyages.»
Il est à noter que le salon du livre Français de Beyrouth est le 3ème plus important au monde après celui de Paris et de Montréal et que, l’apport du Liban à la Francophonie, ce sont enfin et surtout les dizaines d’auteurs qui s’expriment dans la langue de Molière : Andrée Chedid, Georges Schehade, Georges Corm, Nadia Tueni, Michel Chiha, Venus Khoury, Alexandre Najjar…
Salah Stétié occupe une place à part dans le concert des écrivains libanais de langue française.
Son œuvre publiée pour l’essentiel chez Gallimard, José Corti et Fata Morgana a été traduite en une dizaine de langues et a obtenu en 1995 le grand prix de la Francophonie de l’Académie Française.
Inspiré par Gabriel Bounoure et Louis Massignon ; Pierre Jean Jouve, Yves Bonnefoy, André du Bouchet… son œuvre toujours ouverte sur l’Orient et l’Occident est l’une des plus remarquables contributions du Liban à la culture française.
Enfin faut-il citer le plus médiatique d’entre eux le prix Goncourt Amin Maalouf qui est lui aussi « à la lisière de plusieurs traditions culturelles ».
« Le français » dit-il est devenu pour moi la langue de la vie courante. Il est, aussi, devenu la langue de la connaissance, de la poésie, celle dans laquelle je pouvais exprimer mes sentiments les plus personnels et intimes. Je suis sensible au fait que la langue française rassemble des pays du Nord et du Sud, d’Orient et d’Occident qui ressentent un lien particulier entre eux et trouvent un espace de dialogue. »
Nul mieux que lui n’a traduit la complexité du dialogue des cultures.
Dans les « identités meurtrières », il écrit : « L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence. C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans les plus étroites appartenances, et c’est notre regard aussi qui peut les libérer ».
Sylvie Fadhallah, ambassadeur du Liban à Paris, a déclaré lors de la remise du prix Méditerranéen : « En honorant Amin Maalouf, c’est aussi, le Liban que vous honorez, ce dernier jardin de la langue française au Proche-Orient. Si nous tenons à cultiver cette langue, c’est parce qu’elle défend les valeurs universelles et les idéaux de liberté, de justice, de démocratie et de progrès que nous partageons avec vous depuis longtemps. Nous y trouvons la vertu première de la francophonie… Je remercie le jury d’avoir donné au Liban cette chance : celle d’offrir l’œuvre humaniste de notre lauréat en cadeau à la France et à la francophonie ».
Comme l’affirme Toufic Abichaker « plus qu’un pays, le Liban est une idée, un message. Ses liens avec la France perdurent depuis des siècles, du Moyen-Age jusqu’aux temps modernes, démontrant toujours leur capacité à transcender tous les aléas et toutes les épreuves de l’Histoire. Souvent considéré comme un pont entre l’Orient et l’Occident, c’est par on ne sait quelle alchimie, que l’on s’y sent vraiment comme au cœur du monde.
La magie de sa pluralité et la proximité de tant de différences en font un univers plein de découvertes, de nuances et de subtilités. Après tant de blessures, le défi qui s’ouvre désormais à lui est de devenir durablement une terre sereine, modèle de tolérance et de co-existence qu’il a toujours été ».
La Francophonie peut acquérir une réelle dimension culturelle économique mais aussi politique pour apporter sa contribution à un Moyen-Orient plus juste, plus paisible et plus équilibré.
Encore faut-il que l’on empêche les faiseurs de guerre de continuer à sévir car malheureusement se sont les faiseurs de paix, les bâtisseurs, les libres penseurs et les démocrates que l’on assassine au Moyen-Orient.