Les membres du Cercle s’interrogeaient sur les raisons pour lesquelles un nombre si important de pays pour qui le français n’est pas une langue maternelle ou seconde et qui n’ont pas de rapports avec la France liés à l’histoire coloniale, sont aussi nombreux à devenir membres ou membres observateurs de l’OIF, et ce alors que le français y est bien souvent dépassé par l’anglais et l’allemand dans l’enseignement des langues étrangères. En outre, cette démarche a lieu alors que le français est moins utilisé dans les organisations internationales et dans les institutions européennes.
Le Cercle a donc formé le projet de préparer un colloque afin d’ obtenir une réponse aux questions suivantes :
- quel est le sens de ce mouvement vers l’OIF ?
- comment cette francophonie choisie peut-elle renforcer l’emploi du français ?
- si cet élargissement a pour objectif la construction d’un mode multipolaire ouvert à la diversité, comment le mettre en œuvre ?A l’issue de ce colloque, le Cercle Richelieu Senghor de Paris croit possible de faire quelques observations de synthèse et quelques propositions destinées à l’OIF et aux pouvoirs publics français.
I- Observations de synthèse
1) La demande de francophonie des pays d’Europe centrale et orientale correspond à une double motivation :
les différentes interventions, tant celles des représentants des Etats que celles des jeunes étudiants et professionnels, ont fait apparaître une double convergence qui permet de mieux comprendre la demande de francophonie :
– de manière unanimement exprimée, on perçoit le désir d’éviter une domination linguistique et culturelle ou, positivement parlant, un désir de diversité culturelle et linguistique. Cette aspiration correspond à l’une des valeurs recherchée dans la Francophonie par les nouveaux adhérents d’Europe Centrale et Orientale et semble la raison essentielle qui les a amené à se rapprocher de l’Organisation Internationale de la Francophonie ;
– en analysant les motivations de ces nouveaux adhérents on voit poindre les caractéristiques de ce qu’on pourrait appeler une francophonie par choix : on a entendu se manifester un attrait pour la langue française (même si elle est peu pratiquée dans certains de ces pays) ainsi que pour la France et sa civilisation. On peut distinguer cette francophonie par choix d’une francophonie par utilité dans des pays pour lesquels la forte demande de langue française correspond à la recherche d’un outil pour la communication à l’intérieur du pays comme vers l’extérieur.
2) La stratégie de l’OIF n’est pas suffisamment adaptée à ces demandes nouvelles
– L’intervention d’un participant originaire du Chili repose la question maintes fois évoquée des critères de l’élargissement : pourquoi les PECO et pas des pays d’Amérique Latine dans lesquels le français occupe une place plus ancienne et plus forte ?
– Les interventions des représentants des Etats comme celles des étudiants ou jeunes professionnels font apparaître des contradictions entre les motivations des francophones par choix et celles des francophones par utilité : chez les premiers, la langue française est intimement liée à la France et à sa civilisation, chez les seconds le français est avant tout un outil pour la communication dans leur propre pays et vers l’extérieur.
– On observe que les nouveaux PECO ont en général le statut d’observateur Or certains participants semblaient regretter que ce statut ne soit pas plus contraignant notamment à travers les obligations que l’on peut exiger des observateurs : engagements sur la place du français dans le système éducatif du pays, sur l’utilisation du français dans les conférences internationales voire sur la contribution aux frais de fonctionnement de l’organisation. Selon les mots mêmes d’un intervenant, la motivation des nouveaux membres en serait renforcée.
3) La communication sur ce mouvement est insuffisante
– Les valeurs de l’OIF, son action pour la diversité et la dynamique de son élargissement lui confère un rôle diplomatique croissant qui n’est guère connu et compris de l’opinion.
– L’OIF semble elle-même peu connue dans les PECO, notamment chez les jeunes invités du Cercle, dont la majorité ignorait que leur pays avait rejoint l’organisation. L’entrée des pays même comme observateurs ne semble pas suffisamment médiatisées par l’OIF et par les intéressés.
– Un message explicite a été adressé par plusieurs intervenants à la France qui doit cesser d’afficher scepticisme et indifférence à l’égard de la francophonie : un changement d’attitude passe certainement par la clarification des objectifs de l’OIF.
4) Question subsidiaire
On s’est posé la question de savoir s’il y, a pour les PECO, un lien implicite entre l’adhésion à l’OIF et l’entrée dans l’UE : l’entré dans l’organisation francophone reviendrait-elle à recevoir un certificat de « bonne conduite » facilitant par la suite l’entrée dans l’Europe ?
II- Le Cercle Richelieu Senghor de Paris propose
1) que l’OIF clarifie ses objectifs et sa stratégie
– en précisant sa politique en matière d’élargissement ;
– en prenant en compte, pour les dépasser, les contradictions entre les motivations des francophones par choix et celles des francophones traditionnels ;
– en s’appuyant davantage sur l’attachement des nouveaux entrants à ses valeurs ;
2) que la communication sur la Francophonie soit améliorée
• par l’OIF :
– en expliquant davantage les principes fondateurs de ses origines, ses objectifs et ses valeurs;
– en présentant certaines actions entreprises pour les mettre en œuvre : la médiatisation du suivi de l’application de la convention sur la diversité culturelle et du plan pluriannuel pour le français dans l’Union européenne serait de nature à motiver ou à remotiver l’opinion francophone ;
– en précisant le sens de son élargissement à des pays de francophonie « choisie »;
– en parlant des Etats et des gouvernements « adhérant à l’OIF » et non des Etats et gouvernements « francophones » dans sa communication ;
• par les pouvoirs publics français
– en expliquant davantage le sens et le contenu du message de la France sur la diversité et le dialogue des cultures et la place de l’OIF dans ce contexte ;
– en expliquant au grand public les objectifs et les valeurs de l’OIF ainsi que le sens de son élargissement; en insistant sur la modernité de son action dans le soutien à la diversité culturelle et au plurilinguisme ;
– en prenant en compte, dans ses partenariats et ses implantations dans leurs pays, la démarche des nouveaux entrants européens dont l’adhésion à l’OIF est fondée sur une demande de France et de valeurs plus qu’une demande de français ;
• par les Etats et gouvernements concernés, en communiquant sur leur adhésion à l’OIF et en expliquant les raisons à leur opinion publique au moment de l’adhésion elle même et ultérieurement, par exemple à l’occasion de la semaine de la langue française ;
3) que le statut d’observateur de l’OIF soit réformé
Ce statut n’est satisfaisant ni pour les membres observateurs, à qui il impose un comportement passif, ni pour l’OIF. Il devrait être réformé tant sur la question des obligations que sur celle de la pérennité :
-il ne serait plus pérenne mais aurait une durée limitée, par exemple à cinq ans ;
-l’admission comme membre observateur donnerait lieu à des engagements précis de la part des nouveaux entrants, notamment pour le développement de l’enseignement du français et son emploi dans les réunions internationales et dans l’Union européenne.
4) Enfin, le Cercle Richelieu Senghor de Paris insiste pour que la France s’engage davantage en faveur de la langue française et la Francophonie
– en valorisant la Francophonie dans sa politique extérieure et intérieure ;
– en appliquant attentivement la loi sur l’emploi de la langue française ;
– en favorisant le plurilinguisme par l’apprentissage effectif de deux langues étrangères dans l’enseignement secondaire et supérieur ainsi que par une politique audacieuse en matière de traduction et d’interprétation ;
– en mettant l’accent sur l’enseignement du français et sur le développement de l’audiovisuel extérieur pour renforcer la présence de sa langue et de sa culture à l’étranger.